Voilà que nous sommes adultes. C’est un fait, une fois que nous sommes maîtres de notre argent, fidèles à un quotidien fait d’obligations et de devoirs, nous sommes considérés par la société comme étant des adultes. Et en tant que tels, chaque jour est enduit de la couleur du temps, seul véritable maître de nos vies. Le matin, le midi, le soir, à chaque journal télévisé, à chaque coupure pub, dans chaque journal payant ou gratuit, partout les perspectives du temps nous sont exposées. Il est proprement impossible de passer à côté, de continuer sa vie sans sentir au creux de notre oreille le chuchotement entêtant des conjonctures plus ou moins farfelues sur l’avenir de notre ciel ou l’évocation champêtre des croyances régionales.
Le temps est maître de tout : il détermine le chemin que nous prenons, les week-ends que nous organisons, et même nos repas. Pourtant à l’époque de notre enfance, nous sommes-nous jamais souciés de la pluie qui tombait ? Elle n’était qu’une particularité du ciel qui nous offrait des escargots à chasser dehors. Seules les mines tristes de nos parents, les adultes, assombrissaient le tableau. Enfants, le temps n’a aucune incidence sur nous. Nous ne nous rongeons pas les sangs à cause de la pluie, ou du froid. Enfants, nous vivons au jour le jour sans compter les heures qui passent. Jouer dans le froid nous donne chaud aux joues. Les nuages sont des dessins loufoques à interpréter. Ils éveillent notre imagination, nous entraînent dans des rêveries d’un autre âge. Enfants, on ne cherche pas désespérément un bout de ciel bleu, seul compte notre vélo à trois roues, ou les puzzles qui attendent au chaud. A la vue d’une flaque d’eau : une seule envie : sauter dedans à pieds joints. Les bêtises et les rires restent quelque soit la température ou la couleur du ciel…
Je me souviens d’un film que j’avais vue par une journée pluvieuse alors que j’étais cloîtrée chez moi à cause d’une journée pluvieuse. Dans l’écran de télévision, une femme accueillait la pluie avec grâce et générosité. Elle se laissait envelopper par elle, lui tendant les bras et la recevant comme un cadeau du ciel. Ses cheveux se gorgeaient d’eau, ses vêtements s’affaissaient sous le poids des gouttes accumulées, mais elle s’en fichait. Le sourire illuminait son visage, mais on est venu la chercher de force pour qu’elle rentre.
Souvent je pense à elle lorsqu’il pleut, et je me dis que ce n’est que de la pluie, rien de dramatique.
J’aimerais sauter dans ces flaques d’eau qui nous barrent la route, mais encore inconsciemment, je sens que l’on me retient par la manche. Cette idée de pester contre le temps à tout bout de champ s’inscrit de manière indélébile en nous, et çà, c’est bien plus dramatique.
Le temps n’est que le reflet de la nature, et la vie serait plus belle si on lui demandait un peu moins de se plier à nos exigences…
Gaëlle says
superbe…
marie says
Magnifique texte!
Sauter dans les flaques sans me soucier du monde autour, c’est quelque chose que j’aime faire. On me l’a souvent reproché, comme si ce privilège n’était réservé au’aux enfants.
Il nous faudrait garder un peu de cette enfance, de notre insouciance au fond du coeur pour apprécier la vie et la pluie aussi à sa juste valeur.
Emilie Sunny says
Très juste et très beau! 🙂