Quand nous serons grand-parents. Quand nous aurons les pieds bien au chaud dans des charentaises tricotées à la main. Quand nos cheveux seront aussi blanc que neige et que nous aurons des taches de vieillesse sur les mains. Quand les rides souriront dans le coin de nos yeux et que nos os nous feront quelques misères quotidiennes. Quand du fond de notre canapé, nous relirons dans le silence qu’imposera notre ouïe abîmée par le temps ce livre qui nous avait tant bouleversés.
Quand dans le froid de l’hiver, nous continuerons de nous réchauffer avec saveur au coin d’un feu de cheminée.
Un jour viendra où nous serons de vieilles âmes raidies par les années, c’est inévitable, et pourtant, je ne parviens pas à m’y projeter. Au crépuscule des mes 26 ans, la retraite se présente à moi sans prévenir, dès le matin, avec son air apeuré et ses cris de détresse qu’elle lance à travers le poste de radio. Au boulot, les générations s’entrechoquent, les vieux jaugeant les nouveaux et espérant sans aucune pudeur qu’eux auront encore une retraite potable à défaut des jeunes. Entre amis, au détour d’une conversation, la préparation de la retraite devient un sujet sérieux qui nous fait douter, qui nous fait peur, bien avant l’idée de fonder une famille. La banquière nous somme d’ouvrir une assurance vie pour prendre date, elle nous invite à faire des versements réguliers pour anticiper sur l’avenir. Un avenir à l’horizon incertain, couvert de nuages gris auxquels on ne veut pas penser. On croise la route d’un conseiller immobilier et ses conversations s’orientent immanquablement sur la retraite, le complément de revenu, et toujours cette préparation infernale de la vie après 60 ans. Pour lui, la solution est d’investir dans l’immobilier, de s’ embarquer dans des systèmes aux noms barbares. Dernier intervenant : l’entreprise et son engagement à peine obligé à nous faire investir dans cette barbarie de PERCO via le plan épargne entreprise.
J’y pense et puis j’oublie. Je pense que cet état de plénitude attendu par tant et tant ne m’arrivera jamais, en tout cas, pas dans les conditions actuelles. Alors, je ne l’entends pas, et me contente de faire quelques petites choses pour éventuellement avoir quelque chose le moment venu, s’il de vait arriver. Mais, tout bien réfléchi, je crois que lorsque nous avons acheté notre appartement, nous l’avons fait pour nous, et notre avenir proche. Lorsque j’ai ouvert une assurance vie, je me suis dit que cela permettait de mettre de l’argent de côté sans y avoir accès. Ces choses de la retraite se doivent peut-être d’être faites de façon constructive en mettant une pierre après l’autre…
Mais autre chose me gêne…
Le mot retraite est dans toutes les bouches, associé au sentiment permanent de stress, d’angoisse et de râleries dans les manifestations désormais habituelles. Les voix françaises ne semblent se soucier de la retraite que pour les générations à venir.
Quand j’entends le mot retraite, je pense à nos aînés qui ne gagnent pas grand-chose, je pense à ces femmes et ces hommes qui ont travaillé dur pour récolter le fruit du repos des sages : 800 euros. J’en ai assez de la stigmatisation des retraités comme des nantis à qui tout le monde voudrait voler la chance alors qu’ils n’ont pour la plupart que très peu. On parle de la retraite de demain, et jamais des retraités. On parle de nos vies à dix, vingt ou trente ans, mais jamais de la vie des seniors aujourd’hui que l’on aime imaginer parqués dans une maison de retraite. Les retraités sont souvent à cette marge du monde quasi-inexistante de la société.
Pourquoi ?
Je rêve qu’un jour les indignés cessent de se torturer l’esprit, d’assombrir leur quotidien avec l’idée d’une vie qu’ils n’auront peut-être jamais. Je rêve qu’un jour les gens en colère discutent de façon posée dans le but d’avancer vers un quelque chose de mieux…
Que choisiraient-ils s’ils devaient choisir entre la vie d’aujourd’hui, la fin de leur vie, et l’argent ?
Corinne (Couleur Café) says
Chouette cet article 😉
FleurDeMenthe says
Merci !! 😉
Rondinette says
Pour moi, chaque année, la retraite s’éloigne. Alors, je pense davantage à la retraite de mes enfants, et bien que je sois fière de leur chemin universitaire, je me dis aussi que plus longue seront les études, plus loin sera la retraite pour eux.
Elvy says
hello,
Tu as raison, notre génération se fou de la retraite car elle est bien trop loin pour nous et surtout car nous nous sommes fait une raison et que nous avons appris a ne pas compter dessus. Donc je pense que nous sommes nombreux à partager ton avis. Perso, (et comme pour les trois quarts des gens que je connais) ce qui nous préoccupe beaucoup plus ce sont les emplois que nous n’avons pas et qui sont occupés par des stagiaires et alternants ou même emploi d’avenir… Se taper 5 ans d’études pour être au chômage, c’est ça qui est préoccupant et malheureusement ce n’est pas un sujet qui concerne notre avenir mais bien notre quotidien…