Les mots se répètent. Indéfiniment. Une boucle infinie qui tourne encore et encore. Les images se relaient aux mots qui se relaient aux images dans une course folle qui ne mènera qu’à un unique endroit : le bord du gouffre. Un temps entre deux mondes, une frontière infime où l’équilibre devient rare. La seringue est dans le bras, le processus d’autodestruction est en marche. Le goutte-à-goutte gris et sombre vient nourrir l’esprit de son poison tortueux et maléfique. A une seconde de l’overdose, se battre n’est plus une option. On cherche, on suit la piste des mots raisonnables, mais ils perdent de leur grandeur. Peu à peu, avalés par l’ombre de le peur, ils deviennent des chuchotement égarés, inaccessibles, inaudibles.
La vie devient sombre et froide. Seul un grésillement infernal résonne autour de nous. On ne connaît plus le chemin vers la sortie. La porte a claqué derrière nous dans un bruit sec avant de s’évaporer dans le noir. Autour n’est que ronces et serpents. Avancer toujours, pour survivre. Donner au venin le temps de se propager, le temps de faire son nid, le temps de tout gâcher. La raison a fui.
Il n’y a plus qu’elle : une obsession à rendre malade. L’ultime porte de la folie douce, l’ultime sas de l’angoisse qui vient tamponner vos veines et serrer vos poumons.
Vivre avec l’angoisse, c’est ne pas savoir de quelle couleur sera la journée quand on se lève le matin. C’est voir de loin, la petite poussière susceptible de tout changer, le petit gravier capable de se transformer en mont Everest si on le regarde de trop près. C’est vivre mille choses aussi intensément que possible pour remplir le réservoir de ressources magiques. Pour résister à une nouvelle torture cérébrale. Pour avoir des armes.
Et parfois, c’est se sentir attirée comme un aimant au bord de la falaise, et se rendre compte que les poches sont vides, que rien ne nous retient, et être aspiré par le néant.
C’est juste l’histoire de quelques heures, quelques jours qui virent au gris.
Jusqu’à un matin où le mal s’envole. On remet le travail sur la table. On se lance à corps perdu dans un projet. On l’étale partout autour de nous pour qu’il fasse disparaître les cendres encore chaudes de la peur. On se jette dans un moment doux, un moment pur, un instant d’amour, pour faire revenir un peu de lumière. On écoute la voix bienveillante de son père qui pose ses mots juste comme il faut pour panser nos plaies. Superficielles mais profondes. Et la peur, l’angoisse, le venin s’échappent peu à peu. Les liens se desserrent, et sourire devient un peu plus facile.
Jusqu’à la prochaine fois.
Marie Kléber says
Il suffit d’une seconde pour plonger dans l’engrenage du pire et pour que notre mental prenne le relais…
Tout est tellement juste Julie.
J’essaye tant que faire se peut d’anticiper le dérapage. Ce n’est pas toujours facile.
Julie says
C’est exactement ça… allez on se met au yoga ? Bises
Lou Ettre says
Parfois la peur de la peur génère la peur elle-même, et l’engrenage est là. Peut-être juste la laisser venir, l’accueillir, la regarder puis la laisser partir, sans l’appréhender.. sans l’imaginer… ce qui ne fait que la renforcer…
Julie says
Je ne sais pas la laisser venir sans tomber dans l’engrenage. J’essaie de me raccrocher à des ancres positives pour pouvoir l’accueillir comme tu dis, mais ça ne fonctionne pas… Pas pour ces angoisses qui sont de vraies obsessions…