Je n’aimais pas Stéphane Guillon. L’humour noir ne m’a jamais touchée. Disons plutôt qu’il a plus souvent provoqué des réactions de rejets chez moi. Alors quand Gaspard Proust a commencé à se faire connaître, avec son visage qui ne semble ne pas connaître le sourire, je l’ai également mis dans la catégorie des gens connus que je n’apprécie pas. Il faut dire que je l’avais vu dans l’émission de Catherine Ceylac, un beau samedi matin, et que son insolence m’avait rendus les poils des bras hirsutes.
Donc, Stéphane Guillon et Gaspard Proust ensemble, pensez bien que je ne m’imaginais pas spectatrice d’une quelconque représentation il y a quelques mois encore…
Et puis, finalement, la curiosité m’a saisie. La pièce déjà très connue m’intrigue depuis un moment. Depuis le début de l’année, à Paris, plusieurs acteurs se sont essayé à l’interprétation de l’oeuvre de Katherine Kressmann Taylor. Deux voix pour interpréter la correspondance entre deux amis : Max Eisenstein, juif américain et Martin Schulse, allemand entre 1932 et 1933.
Le roman a été publié en 1938 aux Etats-Unis, ce qui lui donne une valeur historique splendide, je dirais.
Pas d’entracte, chacun assis dans son fauteuil, ils interprètent les lettres de leur personnage. C’était la première fois que j’assistais à une lecture. J’aime beaucoup cette forme de théâtre. Elle donne vie aux mots, aux émotions.
C’est un drame, c’est tragique, cette relation amicale proche de la fraternité, qui se transforme peu à peu en haine. Difficile d’imaginer les deux trublions dans des rôles comme ceux-là… Et pourtant, j’ai été profondément touchée. Stéphane Guillon est excellent dans le rôle de l’allemand empli de haine et de colère à coeur : la rage transpire, la voix monte, c’est violent, c’est fou.
Gaspard Proust est impressionnant, touchant. Son interprétation du juif impuissant face au sort d’un membre de sa famille en Allemagne, face aux bruits qui courent et vont jusqu’en Amérique sur la situation dramatique de l’Allemagne et de sa population juive, est très forte. Il a bafouillé trois fois, mais il est resté présent, jamais il n’a donné au public un signe de frustration aussi infime qu’il soit. Au deuxième rang, j’ai bien observé son visage.
Bref, j’ai adoré leur interprétation, l’humilité qui les habitait après le spectacle. Je suis ressortie de la pièce bouleversée.
Désormais, après avoir croisé leurs regards, les avoir applaudis sincèrement, et avoir les hommes derrière les masques de leurs personnages publics, je les admire beaucoup…
Inconnu à cette adresse, Théâtre Antoine, Paris.
Jusqu’au 6 novembre : Gaspard Proust et Stephane Guillon
Du 6 novembre au 1er Décembre : Jean-Paul Rouve et Elie Semoun