La tête dans mon livre, les épaules souvent courbées pour éviter le moindre contact avec d’autres, je tente chaque matin de passer inaperçue dans le wagon de métro. Ma phobie de la foule et du frôlement de peaux inconnues à la mienne m’entraîne à me recroqueviller sur moi-même si tant est qu’un strapontin est disponible. Sinon, c’est bien debout, à quelques centimètres de ces autres peut-être plus névrosés que moi sur le sujet que je tente tant bien que mal de maintenir une position. Je ne regarde pas les autres à longueur de temps mais parfois leurs allers et venues m’intriguent. Il arrive que je lâche mon livre plus ou moins volontairement pour porter un regard curieux sur ces inconnus. Des chaussures, je remonte les silhouettes pour détailler les vêtements choisis au réveil et finir par m’attarder sur leur attirail. Qui sont-ils, d’où viennent-ils, à quoi pensent-ils ?
A toute heure du jour et de la nuit se croisent dans les souterrains, parisiens, touristes français ou étrangers, haleines alcoolisées, regards dérangeants, mines frustrées, sourires oubliés, larmes perdues. Ce mélange particulier d’âmes qui jamais n’iront au-delà de l’effleurement est effrayant. Le roman Les heures souterraines de Delphine De Vigan nous montre jusqu’à quel point on peut croiser d’autres gens sans jamais les voir, de l’homme de sa vie à la possibilité d’une amitié…
Ce matin, alors que je me réjouis de respirer enfin un peu d’air dans le métro débarassé de ses parisiens partis en vacances, j’ai surpris le manège curieux d’un touriste. Du haut de son 1m90, armé d’un T-shirt et d’une casquette, tous deux jaunes à l’envers, couleur qui mettait en valeur sa peau hâlée, il filmait le métro en marche. Dans le wagon, sa caméra parcourait les souterrains sombres, les stations d’un blanc immaculé, les voyageurs, le plan de la ligne qui surplombait la porte coulissante de la voiture. A travers son écran, j’imaginais que quelque part dans le monde, ce film reflèterait des vacances sous le soleil parisien, de bons souvenirs qui rappellerait au voyageur des émotions, des odeurs, des sensations uniques à cet instant. Et nous, qui prenons ce métro chaque jour de l’année, ne voyant plus les jolies choses qui nous entourent. Et moi, qui me sens si hermétique à la vie parisienne, laquelle m’a pourtant apporté tant d’opportunités et de rencontres…
Mais au prétexte d’être dans une ville sublime, au prétexte de saisir du bon côté chaque journée, au prétexte d’attraper au vol les sourires et les jolies âmes, je devrais éloigner les pensées négatives.
Pourtant je refuse de culpabiliser d’espérer autre chose, de rêver d’arbre, d’herbe et du bruit de la mer…
Je refuse de culpabiliser de vouloir autre chose que ces allers et venues solitaires et isolées au milieu d’une foule compacte, inconnue, bigarrée d’intentions plus ou moins louables.
Je continue de rêver d’un autre monde…
Lena says
Oua et moi je rève de prendre le metro, de voir ces foules d’ames differentes, je reve de respirer l’air parisien polué, je reve de ton monde et toi du mien….
Toujours un plaisir de te lire.
FleurDeMenthe says
Ne veux-t-on jamais ce que l’on n’a pas ?
Bises
MaDys says
Il faut parfois porter un regard différent sur notre environnement, réapprendre à faire le touriste chez soi. Et puis, on trouve toujours l’herbe plus verte ailleurs. Il n’y a pas de mal à vouloir vérifier tout ça de nos propres yeux 😉 Bon WE Julie !