Dimanche soir. Un gros gilet en laine entoure mes épaules. Il flotte dans la chambre une douce odeur de tisane en train d’infuser. De la verveine. Ou de la bergamote. Je ne me souviens plus. Dans le babyphone, la douce voix de la petite fée chantonne son charabia incompréhensible. Parfois, j’entends un baiser qui s’envole. Sa poupée Lily a dû en recevoir une bonne vingtaine aujourd’hui. Bientôt elle s’endormira, après un inévitable épisode de toux.
Avec elle dans nos vies, il y a du soleil tous les jours. Elle illumine le quotidien avec son coeur débordant de bonheur, ses mains chargées de bisous, et ses yeux pleins de sourires.
La nuit est tombée sur la région parisienne. Le froid fait vibrer les branches nues des arbres solitaires de la cour. La ville est sombre et silencieuse. L’hiver est encore là, sur les lèvres gercées, au creux des nuques dénudées, dans les effluves de café qui s’échappent des tasses du matin, dans le froissement des doudounes fraîchement enfilées.
De l’autre côté, un océan plus loin, il fait encore jour. Les arbres font vibrer leurs feuilles dans une danse avec un doux vent chaud. Les nuages continuent leur manège dans les montagnes vertes de Monteverde. Les singes capucins font leur cinéma dans les chemins du parc de Manuel Antonio, pour le grand plaisir des touristes. A quelques mètres de là, sur les plages de sable blanc, les coatis tentent de piller les sacs de pique-nique laissés à portée de pattes. Des pommes disparaissent. Des coups de bâton se perdent dans quelques éclats de rire. Et le volcan Arenal continue sa vie derrière les nuages, à l’abri des regards.
Les souvenirs circulent en nous, encore frais et frétillants. Nos peaux ont encore un peu de la couleur dorée. Il reste encore quelques heures avant lundi. Avant de reprendre le quotidien sous les néons blafards des bureaux, nos yeux rivés sur des écrans d’ordinateur. Les tripes se tordent un peu. Un peu par peur du grand méchant lundi. Un peu par crainte de la foule. Un peu.
Parce qu’en vérité, les retrouvailles avec la vie de famille, le réveil qui sonne trop tôt, et les rendez-vous de tous les jours avec la petite fée, on les reprend le sourire au bord des lèvres. On revient d’un voyage incroyable, une parenthèse enchantée, un saut dans un monde parallèle.
On revient avec des étoiles plein les yeux et des projets pleins les mains. Et on croit, on espère de tout coeur que ce trésor à l’abri de nos coeurs restera le plus intact possible, le plus frais possible, le plus longtemps possible. Nous n’avons pas refait le monde sur de simples suppositions. Nous avons fait un pas en avant dans la vie, cette grosse machine pleine d’imprévus et de surprises. Et nous y croyons. Déjà les listes s’accumulent. Déjà, les temps libres se remplissent. Déjà, des dates se définissent. Déjà la vie reprend, avec un peu plus d’étoiles, un peu plus de douceur, un peu plus d’amour.
Corinne (Couleur Café) says
C’est exactement comme çà quand on doit s’extirper d’une parenthèse enchantée avec les gens qu’on aime. On aimerait que le temps se suspende, qu’on reste encore un peu sur nos petits nuages ! Bon courage !!!
Marie Kleber says
Le plus dur c’est le retour à la routine, parfois apaisante, parfois angoissante. On aimerait que nos ressentis durent encore, qu’ils viennent bercer nos soirées, nos journées, nos rires, nos rêves pendant longtemps. On retrouve avec bonheur nos habitudes et les précieuses personnes qui font notre quotidien, tout en conservant dans notre coeur un peu de cet ailleurs qui nous a tant apporté.
Bonne reprise!