La liberté est un mot au pouvoir immense, capable d’étendre son ombre pour éclairer la nuit la plus sombre. La liberté est un mot commun que l’on se surprend à employer pour des choses simples, des images quotidiennes, l’air que l’on respire, la vue d’une forêt immense, un chien détaché de sa laisse, un enfant qui quitte le nid familial. La liberté n’a aucun prix, et pourtant, chaque jour, elle se propose à nous, elle s’expose à notre vision étroite bordée des habitudes routinières. On ne la voit pas toujours.
On l’oublie souvent, à tort.
C’était une après-midi ensoleillée de ce printemps. Le soleil brillait, mais le vent gâchait la moindre tentative de réchauffement. Quelques jours dans l’année, je suis chez mes parents où j’assiste avec toute la bonne volonté du monde ma mère dans son travail quotidien qu’elle effectue à domicile : assistante maternelle. Il faisait beau et les yeux des enfants ne demandaient qu’à se frotter à la luminosité du dehors. Ils se sont munis seuls de leurs chaussures, l’un d’entre eux a saisi son bonnet panda comme s’il s’agissait d’une peluche et l’a enfoncé sur sa tête en se cachant involontairement la vue. La porte vitrée sur le jardin que leur offrait leur espace de jeux devenait soudain un endroit qu’il fallait traverser.
Leurs regards pétillaient.
Leurs sourires m’émerveillaient.
J’ai enfilé mon gilet en laine, et je me suis assise sur la marche bordant le jardin, cette marche qui leur était formellement interdite d’escalader sous risque de chute pour cause de jambes trop petites… Je me suis posée là, et je les ai regardés. J’écoutais la vie qui s’exaltait en eux. Leurs cris et leurs rires se confrontaient aux bruit de plastique de deux voitures pour enfant qui se projettent gentiment l’une contre l’autre. Ils ont à peine trois ans, ils ont déjà compris l’intérêt des auto-tamponneuses…
Aucun bruit de moteur, aucun klaxon, aucune mauvaise odeur, aucune bousculade : juste des enfants qui jouaient à l’air libre. Des enfants qui se risquaient à cueillir une pâquerette juste parce qu’elle est jolie. Des enfants qui contrôlent petit à petit leur angoisse devant le son d’un bourdon qui circule dans les fourrés fleuris. Ils ont le temps de l’entendre, ils ont l’espace pour l’apercevoir.
Ils ont la liberté d’apprendre la vie…
En les regardant, je fuyais l’image enfantine à laquelle mes yeux s’accrochent chaque jour comme un scratch sur un pull en laine. Je m’y accroche et je ne m’en détache que lorsqu’elle sort de ma vue. Il s’agit des enfants dans les carrefours pollués de la ville, des petits qui jouent sur le quai du RER attendant les vingt minutes qui les séparent de leur train, des enfants qui font leurs devoirs sur un siège de train, des poussettes impossibles avec lesquelles on ne peut circuler nulle part, des bébés qui ne peuvent ouvrir leur regard que sur le dessous du chapeau de leur landau ou sur les quatre murs d’un espace clos, des laisses que j’aperçois encore parfois entre parents et enfants de peur de les perdre, …
La liberté de l’enfance : grandir, apprendre, découvrir, je n’arrive pas à la concevoir ici, en région parisienne. J’y pense, et la gorge me serre. J’ai mal au coeur de penser que je pourrais devoir élever mes enfants dans le béton, la pollution, et le monde tout le temps, partout. Cette région m’oppresse, et j’espère que je n’offrirais un contexte de vie aussi irrespirable à l’enfant que je choisirais d’éduquer…
Merci Maman pour ces jours de prise de conscience, même si elle repousse mon projet. Pour élever un enfant dans l’herbe et le silence de la vie, cela mérite que l’on attende encore…
working mum says
c’est toujours autant un plaisir de te lire et je me reconnais complètement dans ta conclusion et c’est pour cela au début que je ne voulais pas d’enfant… puis elle est arrivée… puis nous avons vécu presque deux ans sous le soleil de la réunion où oui pas de pollution, la plage au bout de la rue, toujours en tshirt et couches (jamais plus!) mais de retour sur Paris depuis 3 mois je peux te dire que je suis agréablement surprise: plein d’activités diverses, nous ne faisons jamais deux fois la même chose et pou la miss de deux ans c’est un émerveillement permanent!! Pour le moment je ne regrette pas… On verra la suite!!
FleurDeMenthe says
Merci beaucoup de tes mots ! Peut être ne vois-je les choses que du mauvais côté… mais je pense que c’est mon âme provinciale, mes souvenirs d’enfance qui parametrent aussi ma vision des choses… Il n’est pas sur du tout que je puisse quitter Paris et à ce moment là j’espère que j’aurai tes mits pour enthousiasmer notre vie de parents parisiens…
riklo says
quoi te dire? c’est vrai que les enfants élevés à la campagne, c’est formidable!! mais on ne choisit pas toujours hélas….
prends ton temps, peu etre que les choses vont changer et si elles ne changent pas, tu sauras élever ton enfant à Paris avec tout ce que Paris peu lui apporter…
FleurDeMenthe says
Oui, c’est bien ce que je me dis 😉
Submarine says
Je n’ai jamais vécu dans une « très grande » ville. J’ai besoin de cette liberté justement, & pour moi, liberté rime avec nature… Il me faut un coin de verdure, un point d’eau, un endroit paisible & calme. Comme tu le dis si bien, la liberté se propose chaque jour à nous, sous différentes formes. Il faut savoir la capter…
FleurDeMenthe says
Et bien je crois qu’elle m’est nécessaire mais on a pas toujours le luxe d’avoir ce que l’on veut, même si ce n’est qu’un environnement…
malise says
C’est drôle ce que tu dis car je ne me suis jamais posée la question … Je vivais en ville quand nous avons décidé de mettre bébé en route, et la vie souvent bien faite a fait que nous avons trouvé une maison à la campagne presque au même moment. Bien sûr, nous savions dès le départ que nous voulions quitter la ville, mais cela n’aurait pas été un obstacle. Tout dépend bien entendu de ton logement, et des commodités … Mais je suis persuadée que la ville peut aussi apporter beaucoup de choses, avec la proximité des activités. Nous nous renonçons souvent à cause de la distance.
Cela dit, je n’ai pas regretté d’avoir un jardin dans lequel promener mon fils quand il était nourrisson, c’était la seule chose qui le calmait 🙁
FleurDeMenthe says
Je ne dis pas que j’aimerais vivre à la campagne. Mais qce qui est évident c’est que Paris ne me correspond pas… Une ville plus petite m’irait très bien, une ville à taille humaine.