Parce que le métro parisien est un monde souterrain, qui évolue dans une dimension parallèle aux routes, aux gens du jour. Parce que c’est un peuple qui évolue au rythme des horaires de bureau, en suivant la cadence des métros, rassemblant tous les genres sans jamais les mélanger.
C’est un univers particulier qui ferme les visages, éteint les regards, et tord le bruit. Rien n’est agréable dans les couloirs de métros. Rien n’est sympathique sur les quais. Des visages venus des quatre coins du monde, traînant avec eux des vies mouvementées dont on ignore tout, pleines de folies, et qui peuvent parfois s’avérer bien plus proches de la nôtre que celles que l’on ne voit qu’au bout de notre nez. Cognements entraînent grognements. Crissements entraînent enfermement. Les foules massées, compressées comme les feuilles d’une salade passées à l’essoreuse, nous invitent à un aveuglement sourd.
Des âmes désincarnées, cachées sous des couvertures sont ignorées de tous. Quelle est leur vie ? Quelle a été leur vie ? Faire un pas de côté pour se glisser dans le quotidien des ces gens qui vivent dans le métro est souvent bien évité, de peur d’être envahi d’un sentiment qui risquerait bien de rendre la journée grise… Alors, on choisit de ne pas voir…
Il suffit parfois de tourner la tête et remarquer des images de vie , comme cet homme endormi sous une affiche publicitaire, avec à côté de lui un livre posé sur sa tranche pour garder la page. Son titre était « Dreamland »…
Il suffit parfois de lever la tête pour entrevoir de la vie dans ces âmes que l’on imagine à tort dénuées de coeur. C’est dans la vitre de métro que j’ai aperçu cet homme à la chevelure de surfeur australien, et la barbe de trois jours. Son reflet m’informait clairement qu’il n’était pas au mieux de sa forme. La tête lourde, les yeux à demi-clos, il luttait pour rester debout au milieu des corps debout qui s’amassaient dans le wagon. L’influence parisienne qui nous indique qu’il faut toujours se méfier des gens qui ne sont pas dans le mouvement s’est déclenchée dans mon esprit : cet homme doit être défoncé, ce qui explique cet air hagard…
Finalement, en me retournant à une station qui attirait dehors la majorité des passagers, j’ai vu que je m’étais trompée. Au pied de l’homme, s’évachait une valise énorme. Au retour de vacances peut-être, ou d’une compétition de surf à l’autre bout du monde, l’inconnu luttait contre le sommeil qui tirait sur ses paupières…
Pourtant, il suffit parfois de baisser la tête. C’est ainsi que mon oreille a surpris une petite fille et sa mère. La première répondait en français à la seconde qui parlait en anglais. Du haut de ses dix ans, cette petite blonde assise sur un strapontin m’impressionnait par sa posture, son air réfléchi, et cette envie que je lui sentais de tout balancer et partir.
Voilà quelques énergumènes du peuple du métro parisien croisés ces dernières semaines. Voyeurisme, curiosité malsaine ? Et s’il s’agissait simplement de s’intéresser aux gens, de les voir et de leur donner du crédit plutôt que les mettre tous dans le même sac ? Parfois, tourner, lever ou baisser la tête, offrir un sourire éveille la journée…
Simplement moi says
On article est très censé. Que ce soit dans le métro ou simplement dans la rue, parfois même sur le pallier de notre immeuble.
Mais la vérité et l’inconnu font peur !
sofy from sxb says
ton évocation du métro est très juste. moi j’aime beaucoup ce moyen de transport qui offre un condensé de la population, où les classes sociales, les couleurs de peau et les looks se côtoient en offrant souvent de jolis tableaux humains (à qui veut bien les voir). oui, moi je suis une fan du métro ! mais il faut dire que je ne le prends pas au quotidien et qu’il est toujours synonyme de promenade pour moi.
Isa says
Je crois que cette attitude est valable dans pleins de situations , en dehors du métro … ouvrir les yeux et prendre le temps de regarder autour de soi.
Marinouaustralie says
Un jour, je pleurais dans le métro. Gros chagrin … et là, une dame s’est avancée près de moi, a posé sa main sur mon genou en me disant que ça irait mieux, bientôt.
Cette dame a égayé ma journée et ma vie qui a suivi … j’y pense souvent et parfois je me dis que j’aimerais bien lui rendre la monnaie de sa pièce.
Aline - La Homemade Box says
Un article bien juste et le commentaire de Marinouaustralie m’a bien touché!
On a tendance à dire que les gens du métro (et d’autre part) ont tous une tête de déprimée de la vie mais si on se met de l’autre côté, eux aussi pourraient bien penser la même chose sur nous.
Un jour, quand j’étais dans le métro et que celui-ci était bloqué durant une dizaine de minutes, lors d’une canicule en plus. On crevait tous de chaud et j’étais vraiment patraque. Il y avait cette dame qui a humidifié son mouchoir avec sa bouteille d’eau et me l’a donné pour me rafraîchir, comme ça de manière naturelle sans que je lui demande quoi que ce soit, ça m’a beaucoup touché. =)
Parfois, il suffit d’un geste d’un inconnu pour nous toucher et nous laisser un bon souvenir à vie. Dans ces moments-là, on se rend compte qu’en faîte, la vie n’est pas si moche que ça, elle est remplie de trésors dans tous les coins de rue si on veut bien les voir. 😉