Voilà un sujet qui me trotte dans la tête depuis longtemps, mais si vaste que je ne savais par où commencer. Quand c’est comme çà, mieux vaut le laisser mûrir tranquillement dans un coin de son esprit, en attendant le bon moment.
Depuis que je travaille, soit depuis déjà 8 ans, j’observe un curieux phénomène : ma transformation progressive en un personnage raccord avec le décor de mon entreprise. Ce phénomène est particulier car le conditionnement de mon esprit se fait inconsciemment sur le chemin du bureau. J’ai parfois eu bien des difficultés à agir naturellement lorsqu’une personne de mon cercle privé atterrissait dans mon cercle professionnel pour une visite impromptue. avez-vous déjà ressenti cette sensation infernale d’écartèlement neuronal ? Impossible de sortir son âme au grand jour dans les frontière de son bureau, elle est muselée et enfermée dans le placard à chaussures jusqu’à ce que chantonne l’heure de sortie.
J’ai peur de considérer que nous sommes pour la plupart en proie à une évolution progressive d’une partie de nous, peu à peu modelée par les discours de la direction, les rapports annuels et les méthodes de travail. Je me suis toujours promis de ne pas m’éloigner de ma ligne de conduite et de l’intégrité personnelle que je me suis fixée avant mon entrée dans le monde du travail. Mais aujourd’hui, je me pose la question : peut-on vraiment se protéger de l’encre indélébile de notre profession quelle qu’elle soit ?
Vous le constatez comme moi, nous passons bientôt plus de temps avec les collègues et clients que dans les bras de notre moitié. Nos esprits se retrouvent donc confrontés à des visions du travail, des façons de travailler, des critiques et des partages d’expérience, cela plus de 35 heures par semaine : impossible de maintenir indestructible le mur frontière entre privé et professionnel. Les rencontres et les aléas pénètrent toujours un peu plus lien dans la sphère privée. Parfois ils s’invitent dans notre esprit au cours d’une conversation entre amis tordant un peu un jugement que l’on pensait fort et sûr il y a encore quelques temps. Le coup est parfois dur à assumer : le changement de soi, la déviation de la route de l’intégrité… Alors on se saisit du volant, et violemment on tente de revenir sur les rails.
Il suffit que je fasse quelques mètres en dehors de mon bureau, après une journée de travail, pour sentir cette Julie en tailleur s’effondrer comme neige au soleil. Est-ce une sensation, une réalité ? Je la sais éphémère et construite de toutes pièces par les coups de polish et de burin. Je me sens enfin respirer à pleins poumons, débarasser de ce costume parfois bien lourd à porter, ce costume qui nous dessine une silhouette identique aux autres collègues : un cube gris et morne dans le grand dessein de l’Entreprise…
Mais la frontière géographique et psychique entre vie professionnelle au bureau, grise et monotone, et vie personnelle, colorée et bucolique, peut-elle vraiment tenir dans la durée ?
MaDys says
Je ne suis qu’au tout début de ma vie professionnelle, et je me laisse déjà entraîner. Garder l’équilibre entre les deux mondes, privé et boulot, est plus difficile que je ne le pensais. Continuer de croire en ses propres convictions malgré le cadre hyper normé, gris, carré, parfois peu aimable dans lequel on évolue la plupart du temps, c’est un vrai challenge !
Heroysa Monster says
Voilà un sujet très intéressant, je ne travail pas encore, mais je pense qu’il est en effet difficile de garder 24/24h les barrières entre l’univers professionnel et personnelle. Nous somme toujours rattrapés a un moment, par les choses que l’ont nous dicte chaque jour.
Elvy says
Pour répondre à ta question, je pense qu’au bout de plusieurs années, il est indéniable de devenir formater à cette « culture d’entreprise » et de se façonner à l’image de la direction. Voilà pourquoi il est très important de travailler dans une boite qui a les mêmes valeurs et le même sens éthique que nous. Sinon gare aux conflits d’intérêts qui sèment la zizanie dans notre esprit. Si la culture de la boite n’est pas en adéquation avec notre intégrité, parfois il vaut mieux aller chercher ailleurs plutôt que de devenir une personne que l’on ne reconnait plus et se dire un jour : mais qu’ai-je fait de ma personnalité ?