Le temps n’est perdu que si nous le souhaitons vraiment. Se laisser prendre par la colère face à un problème sans solution ne résoudra pas le problème. Au contraire, cela ne fera que le rendre plus enrageant à nos yeux.
A l’heure même où j’écris ces mots, je suis heureuse de vous dire que je viens de passer brillamment l’épreuve de la maîtrise de la colère !
Habiter Paris n’est pas donné à tout le monde. Pour avoir de l’espace et un peu d’air, on se retrouve bien vite repoussés aux portes Paris par les loyers impossibles de la capitale, dans cet espace incertain fait de tout et de rien : la banlieue.
Chaque matin, c’est l’esprit embrumé que nous entrons dans des voitures bondées, bousculés par des odeurs indélicates.
Chaque soir, c’est le regard fatigué que nous en sortons, entraînés dans le tsunami des voyageurs. Une vague immense, un tout qui se déverse dans les escaliers de la station sans aucun accroc sur le béton encrassé.
C’est pour relier la ville lumière aux maisons des travailleurs qu’a été créé le merveilleux système ferré du RER. On en est dépendants, on ne peut que subir les suppressions en série liées à d’incompréhensibles affluences de voyageurs annoncées dans des haut-parleurs par une voix sourde.
Et puis, quelle joie ! Pourquoi se mettre en colère contre un système qui cloue sous-terre des inconnus égarés et hagards, femmes enceintes, enfants, salariés retardataires, mamans inquiètes, le tout pour une durée indéterminée.
Le RER rallie les banlieues nord, est, ouest et sud, aspire toute leur énergie la journée, gonflant à bloc le coeur de la région, pour tout expulser au soleil couchant.
Les lignes de RER s’étendent dans les souterrains, souvent bien plus bas que les rames de métro. Avec ses carrés blancs immaculés, ses expositions ponctuelles, ses décors d’artistes, le métro est une vitrine artistique et culturelle pour le monde entier.
Dans les galeries sous-souterraines, bien moins entretenues et bien plus fréquentées, les stations de RER parisiens sont l’antichambre du paradis pour tout utilisateur quotidien. Dans ces boyaux de béton géants, où s’amasse la poussière par kilos, où chaque recoin n’est que saleté et répugnance : peu de touristes. Surtout des gens qui n’ont pas le choix.
Le RER traverse des banlieues que Paris voudrait cacher. Il rase de près les camps de bidonvilles installés dans les terrains vagues. Personne n’en parle jamais et pourtant ils existent, ils grandissent, rassemblant la misère des gens, sans que cela ne gêne personne. Les voyageurs habitués détournent les yeux des décharges publiques improvisées. D’autres les affrontent sans gêne ni scrupules, accusant ces gens d’étaler leur misère, de ne pas respecter la terre qui les accueillent. D’autres encore jettent un regard curieux, éveillé de compassion peut-être mais affaibli de la distance qui s’est immiscée entre eux et ces inconnus. Incompréhension, indifférence, décalage, sentiment d’être démuni, individualisme, racisme, mépris, pitié, clémence, empathie, colère…
Assumés ou pas, tous ces sentiments circulent dans les voitures de RER, et ce dans un silence tranché indifféremment par quelques voix perçantes.
Chaque jour, tout le monde se tait.
ogressedeparis says
comme je prend le rer tous les jours je ne saurais te dire combien ton billet me parle et me touche!
FleurDeMenthe says
Merci pour ton clin d’oeil. Touchée qu’il te touche…
noé says
ligne C ?
pour ma part, pour le moment, je ne suis pas confrontée aux heures de pointe (avantage chômage), mais j’ai décidé il y a un an environ de ne plus m’énerver en cas d’aléas sur la ligne. souvent, ça ne sert à rien, sauf à se fatiguer soi-même. ça m’a vraiment changé la vie.
pour le reste (la crasse, l’anonymat, le manque d’espace) je plussoie.
FleurDeMenthe says
ligne C, exact 😉
Merci pour ta visite…
Christie says
J’ai longtemps « voyagé » sur la B. Je n’ai jamais réussi à garder mon calme en cas de problème (plusieurs dans la semaine). Les conséquences était là, du retard même en partant (très) en avance, incompréhension de la part des non concernés, des durées de trajets doublés,…
Merci d’en avoir joliment parlé!
Olivia says
Comme je compatis. Je suis tellement heureuse de ne pas avoir à le prendre. J’ai peur que cela me retirerai ma joie de vivre :/
Curage