Désespérée de cette envie qui m’a fuie. Débarrassée de cette joie qui m’animait. Mes doigts se sont grippés, la machine s’est enrayée, mon amour des pages tournées s’est fané et mon goût des mots écrits s’est altéré. En l’espace d’une nuit, l’esprit contaminé par des rêves d’outre tombe, les zones d’ombre réveillées au petit matin par des réminiscences amères de la nuit passée, tout s’est envolé.
Les bribes jonchaient le sol de ma journée, milliers de petits morceaux de papier, indifférents à mon humeur, impassibles quand à la frustration que j’évacuais à grands souffles. Le sang apparaissait pourtant toujours aussi bleu au creux de mon poignet, l’encre n’avait pas disparu de mes doigts, mon coeur ne s’était pas asséché pendant la nuit.
Il me fallait la laisser couler, secouer la cartouche avec délicatesse pour que les mots tombent sur le papier sans se blesser.
Alors, au bout de quelques minutes, ce que je lis dans ce brouillon dérisoire de feuille chiffonnée me donne un encore espoir.
Chaque fois, à chaque instant grisé de ces idées noires, on croit que tout est perdu, que les mots ne viendront plus. Mais il suffit de laisser son esprit trouver le bon chemin, laisser tomber tout le reste pour donner aux mots la liberté de s’entrechoquer avant de s’harmoniser. Se laisser glisser, s’abandonner à eux, et ne lever la main du clavier qu’une fois la cartouche d’encre sera vidée, que l’encre sera asséchée, que les mots auront chuchoté leur dernière lettre, leur dernier signe, celui du point final.