Avant même le début des chroniques qui encensaient le roman, le livre me faisait de l’oeil. Pas pour son écrivain, que je ne connaissais que de nom, mais pour le titre. L’insouciance, ce sentiment que je me souviens avoir perdu le lendemain de attentats de janvier 2015. Je me souviens avoir ressenti cette sensation de vide alors que j’étais dans une rame de métro bondée. Envolée, disparue, l’insouciance. Pour tout jamais. La souciance s’était emparée de moi, me nouant l’estomac et la gorge, et faisant couler sur mes joues des larmes lourdes de sens.
Et c’est ce sentiment qu’a évoqué Karine Tuil lors d’une interview en radio, lorsqu’on lui a demandé d’expliquer le titre de son livre… Alors quand on m’a proposé de le lire, je n’ai pas réfléchi longtemps.
Alors que je m’apprêtais à débuter a lecture, je me suis laissé intimider, je l’avoue. 525 pages quand même. Je ne me souvenais pas de la dernière fois où j’avais osé me risquer à lire un bouquin aussi imposant. Mon trajet de train pour me rendre au bureau ne m’a permis de ne lire qu’un chapitre ce matin-là. Un chapitre où j’ai plongé complètement. Trajet après trajet, chapitre après chapitre, je me suis glissée dans la peau de chacun des personnages.
Romain, le militaire en proie à la violence, la culpabilité, le décalage, l’angoisse et la terreur.
François, le grand patron, autocentré, possédé par son image publique, divisé dans son rôle de père, qui vit comme en apesanteur au-dessus de la réalité.
Osman, le jeune politique plein d’avenir et d’ambition, entravé dans sa quête par ses origines et ses choix d’opinion.
Et Marion, personnage intriguant dès son apparition, sensible, fragile, et semblable à une ombre.
Chacun des personnages, aussi complexe que concret, est lancé dans l’histoire avec force et puissance.
J’aurais voulu avoir des heures de libres devant moi pour m’approcher au plus près d’eux, glisser mes pas dans les leurs, et suivre chacune des conséquences de leurs actes et de leurs choix.
Je n’ai malheureusement pas eu assez de temps pour l’avoir fini à la date critique imposée dans le cadre des matchs de la rentrée littéraire de Price Minister. Chaque soir, le sommeil me saisit dans un souffle, à peine un chapitre lu. Il me faudra quelques jours encore, et si je suis sincère, quelques semaines pour arriver au bout de cette histoire de destins croisés, de ce jeu de dupes et d’images, et de cette histoire d’amour qui explose dans les premières pages.
L’insouciance, Karine Tuil, Gallimard
De retour d’Afghanistan où il a perdu plusieurs de ses hommes, le lieutenant Romain Roller est dévasté. Au cours du séjour de décompression organisé par l’armée à Chypre, il a une liaison avec la jeune journaliste et écrivain Marion Decker. Dès le lendemain, il apprend qu’elle est mariée à François Vély, un charismatique entrepreneur franco-américain, fils d’un ancien ministre et résistant juif. En France, Marion et Romain se revoient et vivent en secret une grande passion amoureuse. Mais François est accusé de racisme après avoir posé pour un magazine, assis sur une œuvre d’art représentant une femme noire. À la veille d’une importante fusion avec une société américaine, son empire est menacé. Un ami d’enfance de Romain, Osman Diboula, fils d’immigrés ivoiriens devenu au lendemain des émeutes de 2005 une personnalité politique montante, prend alors publiquement la défense de l’homme d’affaires, entraînant malgré lui tous les protagonistes dans une épopée puissante qui révèle la violence du monde.
Marie Kléber says
Le titre me parle aussi. Je crois que cette insouciance nous l’avons un peu perdu ensemble quand le premier attentat a fait vaciller notre univers.
Je ne sais pas si je lirais ce livre, du moins pas pour le moment. Je sens à l’approche de la commémoration du 13 novembre que j’ai besoin de quelque chose de léger.
Merci!