Mon ventre m’a conduite un jour de septembre à la maternité pour une visite de contrôle. J’ai passé les portes coulissantes, plutôt confiante et sereine. Mon esprit était absorbé par la boîte cadeau que je prévoyais de faire dans la journée pour le futur papa et le repassage qui m’attendait sur la table à manger. C’était un lundi matin. A ma grande surprise, la sage-femme de garde ce jour-là m’a de suite reconnue alors que je ne l’avais encore jamais vue. Certes je venais pour un suivi suite à une visite en « urgence » 48h avant, mais qui n’avait rien révélé de particulier sur la grossesse Pourtant, ce matin-là, le mot « urgence » avait une vraie signification. Pour elle, j’étais « l’urgence » de la matinée. Les mots sont sortis de sa bouche, copinant tranquillement avec « hospitalisation » « aujourd’hui » « déclenchement » « anémie fœtale » et la combinaison que j’ai le plus retenu « par simple précaution ». J’avais dans mon sac un téléphone déchargé et un livre que je voulais commencer malgré deux tentatives sans succès dans les mois précédents, soit rien.
Je ne m’étais pas projetée dans l’accouchement, évitant toutes les émissions sur le sujet. Sachant que je n’avais pas le choix et que je devrais suivre les directives médicales, il me semblait inutile de me bourrer le crâne d’informations et de cas plus particuliers les uns que les autres. Le déclenchement ne m’avait même pas effleuré l’esprit, tant j’étais persuadée d’accoucher début octobre comme prévu.
On était le 21 septembre, avant-dernier jour de l’été, le lendemain de l’anniversaire de mon père, et on venait de m’annoncer que notre bébé allait venir dans les prochaines heures. J’avançais à pas feutrés dans les couloirs, attendant les instructions, passant un coup de fil avec dans la voix quelques tremblements, les yeux perdus dans le vague. Le début de l’inconnu, le début de la découverte d’une vie, la fin de la grossesse.
Après plus de 20h de contractions douloureuses, quelques spasfon sans effet, une piqûre d’un dérivé de morphine pour quelques heures de sommeil, j’espérais que l’examen des 24h serait concluant. Ça n’a pas été le cas. Le début d’après-midi a été habité par l’appréhension, l’impuissance, des supplications, de nouvelles douleurs fulgurantes, des grimaces, des cris étouffés et des joues noyées de larmes. La péridurale nous a fait glisser dans une atmosphère brumeuse, peuplée de dents qui claquent et du tic-tac silencieux du temps qui passe.
Main dans la main, mes ongles dans sa paume, mes yeux verts dans ses yeux bleus, on a accueilli notre fille en soirée dans la lumière tamisée de la salle de naissance. Rose a poussé un cri que j’ai pris pour un rire. Et alors, tout s’est envolé. Tout a changé, le monde s’est arrêté de tourner, et nos vies ont pris un tournant radical. Des images, des émotions, des sentiments extrêmes se sont échangés entre nous trois, dans le secret de nos vies. Ce petit bout d’un peu plus de 3 kilos a-t-il ressenti tout ce qui nous habitait alors, tout ce que traduisaient nos mains sur sa peau, nos regards sur son visage ? L’amour à l’état brut, celui qui traverse les siècles et les univers.
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leduc says
Magnifique texte! Quel joli résumé de douleurs avant le grand bonheur d être parents…
marie kléber says
Spendide. Un condensé de douleur et de douceur…
Chacun de nous nait à une nouvelle vie.
L'or rouge says
Quel joli texte…. Grâce à toi j’ai revécu la naissance de ma première née, mon aînée, de grands souvenirs. Elle a 21 ans maintenant et deux garçons sont venus plus tard. Toutes mes félicitations et mes voeux de bonheur à vous trois :0)
Lorelei says
Mon dieu, comme c’est beau, j’en ai des frissons…
Il n’y a rien de plus beau qu’un enfant qui naît au monde et qu’une famille qui se créé.
bisous
Torhia says
Magnifique… Juste wahou… Je n’ai pas grand chose à ajouter…
Félicitations et bienvenue en ce monde petite Rose !