C’était un dimanche. Alors que mon regard se perdait dans le ciel clair qui surplombait la région, j’ai souri. Le ciel était de notre côté. A l’aube d’un jour de mobilisation nationale, il s’arrêtait enfin de pleuvoir. A croire que le temps suivait le souffle de la France.
Cela faisait des jours que j’étais scotchée aux chaînes d’informations, passant de l’une à l’autre. Une maniaque aux yeux rougis, exorbités. Cela faisait des jours que mon ordinateur et mon téléphone étaient ouverts sur twitter ou les sites relayant toute nouvelle information en lien avec les actions terroristes, et les traques. Mon cerveau chauffait tellement que je me baladais avec une migraine impossible à déloger. 3 jours d’horreur qui influaient avec toute leur puissance.
Mon pays, ma nation, mon peuple, nos libertés, notre système, notre paix, attaqués par des barbares. Je ne suis pas de celles qui ferment les yeux sur l’actualité. Les guerres au Moyen Orient, les massacres en Afrique, les échanges de bombes entre Palestine et Israël, me prennent à la gorge. Doit-on pour autant se contenter d’hausser les épaules parce qu’ailleurs, il y a pire ? Doit-on remettre en question notre souffrance, notre tristesse, notre mobilisation ? Non, je ne culpabilise pas de m’insurger contre une attaque sur notre territoire.
Il nous importe de défendre notre société, notre modèle, notre pays, nos droits, nos libertés, notre peuple, notre nation, notre république. Endeuillés que nous sommes par 17 morts, 17 innocents tués comme symboles.
C’est unis autour de cela, renforcés par l’idée de combattre par notre simple présence, nos voix, notre cœur, que l’idée de rejoindre la marche s’est imposée à nous.
Alors, nous avons marché jusqu’à la place de la République..
Au fil des pas, la foule s’est condensée. Nous avons rencontré des inconnus, des anonymes sans nom ni prénom. J’ai collé des autocollants sur la capuche d’un homme à l’accent prononcé, à la voix engagée. Son regard m’a bousculée. J’y lisais de la colère, et de l’émotion. Force et sentiments. Il distribuait ses autocollants rouges avec hargne, et l’envie de trouver sa place dans un rassemblement que l’accueillait avec une bienveillance toute simple. Les fenêtres des immeubles haussmanniens étaient ouvertes. Les habitants se tenaient à la rambarde, frappant des mains, chantant et reprenant en écho des noms, des mots devenus des symboles: Charlie, Liberté, …
Les sourires succédaient à des visages graves. L’émotion de voir un pays debout, le recueillement intime à la pensée des morts. Morts, dans un territoire de droits et de libertés. Morts pour la France.
Dans la foule, au milieu des badauds, on rit ensemble comme on rit parfois après un enterrement à la pensée des disparus. Des rires osés parce que la tristesse ne doit pas l’emporter. On se taquine, on discute, sans gêne, sans inhibitions, sans peur. On échange, on ramasse les stylos tombés des oreilles ou des cheveux et on les rend, un sourire bienveillant sur le visage. On se retourne sur les francs-maçons, le sourcil perplexe devant leur écharpe turquoise, avant de les prendre en photo, et de sourire de leur autodérision. « On est très photogéniques n’est-ce-pas ? »
Nous n’avions pas peur. Liberté, Egalité, Fraternité, une devise qui s’échappait de chacun de nos battements de cœur et illuminait l’instant. La marseillaise résonnait si fort que nos oreilles bourdonnaient, chacun prenant conscience de son message, de sa portée.
On était presque bras-dessus bras-dessous, les mains sur les épaules d’inconnus que l’on suivait en piétinant. On se soutient, on se porte, on est ensemble, au-devant du risque pour mieux tenir debout. Debout et pas à genoux.
Notre regard a croisé le panneau de la place de la République rebaptisée Place de la liberté d’expression, et on sourit encore. Que penser quand on voit une telle foule unie dans une même force ? Tout paraît irréel, insaisissable, magique, fou. Qui sait si un jour on reverra la place de la République sous cet angle, foulée par tant d’âmes. Aussi aimée, aussi bondée, avec autant de sens. A-t-on vraiment conscience de la portée symbolique de cette marche, de son point de départ et d’arrivée, associée à cette foule compacte, unie, et forte de son message. Une marche de la place de la République à la place de la Nation par une foule au cœur brisé, rassemblée. Une foule qui ne cesse, encore aujourd’hui, de m’étonner, de m’émouvoir. Les jambes coupées par le piétinement, on s’est perdu dans les rues alentour, les ruelles qui contournaient et bordaient la marche. On s’est retrouvé place de la bastille, place des droits de l’homme, et on a souri à nouveau, le cœur en émoi. Etions-nous si endormis que l’on avait perdu conscience du trésor de notre nation, de son histoire, de ses combats ?
Nous étions debout, forts, et unis. Nous n’étions qu’un. Nous n’avions pas peur.
C’était un dimanche.
Le combat continue. Nous sommes toujours debout, forts, et unis.
Nous sommes une nation. Nous n’avons pas peur.
Dimanche 11 Janvier n’est pas mort.
Merci à Martin Argyroglo pour cette photo incroyable (twitter : @argyroglo). Photo qui m’a inspirée et débloquée…
Mel's way of life says
Très bel article plein d’émotion ! Il faut continuer, sans rien oublier!
Bise
LMO says
Merci pour ce bel article!
La photo est splendide et résume à elle seule toute la force de notre nation.
j'ai ecrit says
J’ai eu des frissons à te lire, j’aurai aime être là, mais je crois que vous étiez là pour nous tous, pour ceux qui ne pouvaient pas.