Ce livre est un journal écrit entre avril et juin 1945 par une berlinoise, restée anonyme. Traduit de l’allemand au français par Françoise Wuilmart, il a une vraie valeur historique. Il relate en effet sans pudeur ni fioritures le quotidien de la capitale allemande bombardée à la fin de la guerre. En France, l’histoire et le devoir de mémoire se sont surtout orientés autour de l’antisémitisme, les camps, la résistance, l’occupation allemande, et le vécu des français. Mais que sait-on de la vision des allemands de l’époque. Les cours d’histoire sur le Seconde Guerre Mondiale, que l’on nous a servi du collège à la Terminale, ont bien vite fait de séparer les allemands de cette période, en deux camps distincts : le judaïsme et le nazisme, laissant de côté les attentistes du pays.
C’est ce à quoi peut servir ce journal, bien qu’écrit seulement sur deux mois : élargir l’histoire à ces contemporains oubliés.

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Ce livre, d’abord édité dans les années 50, a dérangé. La vérité sans fard, narrant les viols subis par les femmes, l’impuissance et la passivité des compatriotes, le pays vu comme un butin par les Russes, a été accueilli dans une totale indifférence.
L’auteur bien qu’anonyme, a souhaité que son livre ne soit jamais réédité en Allemagne pendant qu’elle serait en vie. C’est donc à partir de 2001 que le livre a pu être édité officiellement dans son pays d’origine.
Ce que je pense de ce livre est confus. Le fait est qu’en Allemagne, le peuple ne voyait absolument pas la même chose que les pays extérieurs. J’ai été choquée par l’absence, ne serait-ce, d’un regard sur le traitement des juifs par le régime nazi. L’auteur parlent uniquement des gens qui se cachent avec elle dans les caves des immeubles, pour échapper aux bombes. Une fois elle note « Ces appartements vidés, par les russes aujourd’hui, ou les allemands, bien avant », impliquant implicitement le pillage des propriétés juives. Ce n’est qu’à la page 300, qu’un regard presqu’indifférent est porté sur la position du peuple juif dans l’histoire de l’Allemagne.
« Ce beau-père au double-sens du terme donc, et juif, est mort, il est vrai, bien avant le début du IIIème Reich; ce qui n’empêche qu’il faisait tache dans l’histoire de la famille. A l’inverse, aujourd’hui, la veuve en parle avec plaisir, et même avec fierté. »
C’est à peine s’ils savent qu’existent des camps de concentration. On sent très clairement la propagande répandue dans leur esprit, leur faisant voir le régime nazi comme une solution à leurs problèmes économiques, et les faisant adhérer à leurs idées de supériorité. A l’époque du journal, les survivants aux attaques russes sur Berlin expriment leur déception, établissant un bilan dépité sur leur ville détruite,la sensation d’abandon, et l’absence de nourriture. Ils n’auront obtenu que pire avec le régime qu’ils glorifiaient pourtant dix ans avant. Le regard de l’auteur, pouvant être généralisé à chacun des protagonistes de son journal, est très porté sur elle-même. Chaque habitant agit pour sa survie, en pactisant avec les russes pour avoir de la nourriture, ou en fermant les yeux sur les tortures subies par les voisines. Si l’une des femmes avait trouvé l’artifice qui lui permettait de ne pas être violée, elle le gardait pour elle sans en faire part aux autres. Egoîsme, ou survie ? Car en en parlant, elle n’aurait pas été à l’abri d’une dénonciation, laquelle aurait sûrement été suivie de tortures pour avoir tenté de tromper l’ennemi…
Ce livre est aussi intéressant que perturbant : une vraie plongée en immersion dans cette ville dévastée…
J’ai découvert ton blog il y a peu, et j’aime beaucoup ce que j’ai lu!
Je n’avais jamais entendu parler de ce livre, et cela me donne bien envie de le lire. J’avais aimé, mais dans un style beaucoup plus romancé, La Mort est mon Métier de Robert Merle. Là évidemment c’est un vrai document, et je suis curieuse de connaître le point de vue d’une personne « ordinaire » en Allemagne. Merci donc pour cette découverte!
@Laurie Merci ! Je note ton livre pour le voir de plus près à ma prochaine razzia de livres 😉
Pourquoi pas, peut-être l’une de mes prochaines lectures…biz et merci!
Je l’ai lu il y a quelques années, je m’étais fait une réflexion similaire.
Si tu en as l’occasion, je te conseille la lecture de « Seul dans Berlin » de Hans Fallada, qui relate un pan de la guerre, celle de la résistance allemande, que l’on apprend pas non plus à l’école.