Je reste là, contemplatrice de l’instant, absorbée dans un ailleurs. Mes respirations se font plus lentes, plus profondes, plus concentrées. Une inspiration pour une expiration, une seconde après l’autre. Un chant de tic-tac assourdissant. En moi, l’espoir fou de pouvoir retenir le matin entre mes mains, juste un peu. Arrêter sa fuite incessante entre mes doigts. Le temps continue pourtant sa course, s’égrainant majestueusement, dans un rythme fou.
Je reste là, faisant du soleil qui réchauffe ma peau le témoin de ces minutes qui s’échappent. Mes mains s’agrippent à la rambarde du balcon, incrustant pour quelques minutes l’empreinte de la rouille. Mes yeux s’accrochent avec douceur aux couleurs orangées des arbres de la rue. Tu es parti depuis des heures, filant dans la nuit, fuyant les petits déjeuners et les habitudes du quotidien. Je tourne la tête et l’odeur de ton pull attrape ma pensée. Je l’ai trouvé posé négligemment sur le fauteuil du salon, oublié, délaissé. Le bout des manches est élimé, la fermeture a perdu de sa couleur, et l’étiquette est illisible à force d’être lavée. Un pull noir que tu dois certainement traîner avec toi depuis des années. Je l’ai saisi, sans réfléchir pour me couvrir avant d’entrer sur la terrasse, le prenant pour ce qu’il est. Bêtement. Ton odeur sur le coton enivre mes sens et déroute mes pensées. Mes yeux se ferment pour laisser place à des flashs de la nuit passée. Ma peau frissonne au souvenir de tes mains sur ma peau. Je m’enserre un peu plus dans ce petit morceau de toi, et me surprends à espérer la prochaine nuit. La turbine de mon esprit s’emballe, se nourrissant de fantasmes et de réminiscences. Surtout ne pas se laisser happer par cette marée montante, ce flot qui emporte tout, ne pas laisser le coeur s’emballer… Surtout ne pas s’attacher.
Corinne (Couleur Café) says
Un très beau texte …
FleurDeMenthe says
Merci Corinne. « Quand l’inspiration vient du pull de sa moitié enfilé pour se réchauffer… »