Venir te voir. Au sommet de la colline. Là où le vent souffle toujours un peu plus fort et où les cailloux crissent sous le poids de nos bottes.
Les hauts sapins y sont plantés tels les gardiens d’un lieu secret. Les non-initiés manquent l’entrée du petit chemin qui mène chez toi. J’ai été tentée de croire que je pouvais faire comme eux.
Je me suis imaginé qu’il suffisait de l’oublier. A chacun de mes passages dans le bas de la colline, je choisissais de t’ignorer, je fermais les yeux, juste une seconde pour éviter l’appel des cimes, avant d’appuyer sur l’accélérateur et reprendre la route en te tournant le dos. Une seconde et puis s’en va. Filer, loin.
Je craignais que le passé se rappelle à moi violemment, m’entraînant dans son sillage sombre et froid. Comme une enfant face au monstre caché dans la pénombre de sa chambre, j’étais tétanisée à l’idée de mettre un pied sur ce chemin de terre. Les années passant, j’ai commencé à croire qu’il était possible de te tourner le dos, d’oublier jusqu’à ta présence, de claquer la porte des souvenirs comme je claquais celle de ma voiture.
J’avais fait de la crainte une amie silencieuse. Vivre avec son ombre m’était devenu une habitude. Fantôme du passé que je ne changerai jamais. Réminiscences d’images jaunies par le temps, de rires qui se perdent dans les sous-bois, d’amitiés amarrées aux albums du lycée. Souvenirs prisonniers des chemins empruntés.
Un matin de septembre, pourtant, je n’ai pas fermé les yeux. Arrivée en bas de la colline, j’ai mis mon clignotant et j’ai enfoncé la pédale d’accélération pour donner de l’élan à ma voiture et lui permettre d’atteindre les hauts sapins. Les essieux ont craqué, les graviers ont crissé, mais mes mains n’ont pas tremblé. Arrivée devant la grande grille en fer, rouillée par le temps, j’ai respiré l’automne qui m’entourait, un sourire aux lèvres, et je l’ai empoignée. Elle s’est ouverte dans un bruit métallique, pour finir sa course dans un monticule de cailloux.
J’ai marché le long de l’allée qui surplombe la vallée. Un, deux, trois, quatre, sept, je ne savais plus où était ta place. Chacun de mes pas me guidait vers toi. Le vent frais soufflait sur mon visage des souvenirs qui se glissaient dans mes cheveux. Devant la pierre qui portait ton nom, devant ces plaques qui t’étaient destinées, je n’ai pas frémi, je n’ai pas douté. Je suis restée un instant, laissant ma respiration se mêler au silence. La paix inondait tout. Le temps était venu de me réconcilier avec mon passé..
Marie Kléber says
Tu évoques très bien tes souvenirs Julie. Il y a toujours un moment dans la vie où le passé on préfère encore le contourner. Et puis un jour, on se lance, parce qu’il faut briser nos chaines.
malice says
J’aime beaucoup comment tu écris, c’est hors sujet mais bon… Merci !