Ils n’étaient pas là.
Sur le moment, ça allait, j’étais bien occupée chez mes mamies et mes papys. J’avais toujours quelqu’un pour jouer avec moi, toujours quelqu’un quand je me réveillais, toujours quelqu’un pour me prendre dans ses bras, et toujours quelqu’un pour essuyer mes larmes. Pour tout vous dire, elles n’avaient même pas le temps de couler qu’elles étaient déjà avalées par des supers bisous.
Mais ils n’étaient pas là. Ni Maman. Ni Papa.
Quand je les ai vus derrière la grande porte en verre de Mamilo, grands, souriants, mon coeur a explosé. Ils m’ont tendu les bras et m’ont fais des bisous partout. J’ai reconnu le parfum de Maman et senti ses cheveux glisser sur mon visage. J’ai retrouvé les joues de Papa et sa peau toute douce. Je ne savais pas quoi dire, il y avait comme un grand vide qui venait enfin d’être comblé. J’avais envie de rire pour toujours, envie de sautiller partout. Ce que j’ai préféré, c’est courir dans tous les coins avant d’aller me réfugier dans leurs jambes.
Ils n’ont pas été là. Pendant tout ce temps.
Et maintenant on a repris une vie comme avant. Maintenant j’ai retrouvé ma chambre et mes poupées. J’ai même retrouvé cette petite boule de poils qui m’étais complètement sortie de l’esprit. Mais il y a quelque chose qui me chagrine. La première fois que j’ai dormi dans mon lit, j’avais comme quelque chose d’amer au fond du coeur. J’avais tellement envie de pleurer, ça montait tellement haut que j’ai bien cru que j’allais pleurer comme jamais. Finalement, Maman a glissé sa main sur ma joue, et les larmes sont restées dans ma gorge. Un sanglot tout sec m’a échappé, et je me suis endormie.
C’était il n’y a que quelques jours. Depuis, je me sens comme contrariée. Si Maman est là mais qu’elle s’éloigne de moi, j’ai soudain l’impression qu’elle ne va pas revenir. Quand Papa me chuchote des petits mots pour me réveiller avant de partir chercher le biberon, une petite voix me dit qu’il ne va pas revenir.
Et le pire c’est quand Maman me tend une assiette pleine de légumes oranges. Je suis contente au début. En plus, elle me laisse même prendre moi-même ma cuillère et manger comme une grande. Et puis au bout de trois cuillères, je regarde Maman et j’ai envie qu’on joue ensemble. J’ai envie qu’on fasse des bêtises comme avant et qu’elle rit très fort. Alors, je secoue ma cuillère très fort, et les légumes sautent en l’air. C’est trop rigolo ! Mais Maman elle rigole pas du tout. Elle fronce les sourcils, lève l’index en l’air, et sort sa grosse voix qui dit non non non. C’est nul, pas drôle du tout, et ça m’énerve qu’elle veuille pas jouer. Au moins, elle pourrait me prendre dans ses bras, me faire des câlins. Mais non, elle se fâche. Alors du coup, moi, je veux plus manger. Pourquoi je mangerai tous ces trucs ? En plus, c’est même pas bon. Je crois que j’ai envie de décider de ne plus jamais manger de légumes ! Pour éviter les cuillères, j’ai plusieurs méthodes, mais celle qui marche le mieux et celle où je ferme la bouche très très fort. Bon, en ce moment c’est pas une le mieux parce j’ai mon nez qui coule, et du coup quand je ferme la bouche je peux plus respirer.
Ce midi, j’ai testé un nouveau truc que Maman n’a pas du tout aimé : j’ai fermé les yeux pour m’endormir ! Je crois que je me suis même endormie un peu. Maman s’est fâchée encore plus que d’habitude et moi j’aime pas quand elle est comme ça. Je voudrais qu’elle rit et qu’elle chante, mais non, elle fait la tête. Et puis, comme à chaque fois, il y a une grosse boule de tristesse et de colère qui a grossi au fond de mon coeur. Ca m’a fait me tordre dans tous les sens, et pleurer très très fort. Au final, on était toutes les deux tristes.
Et puis, il a été l’heure de la sieste. Maman m’a déposée dans mon lit comme çà. Elle est restée un petit peu avec moi avant de partir et de fermer la porte. En fait, elle voulait juste me poser là pour partir encore une fois ! Alors non, je me suis pas laissé faire. Et pourtant, j’étais vraiment fatiguée ! Mais savoir qu’elle préférait partir à côté plutôt que rester avec moi, ça m’a mise vraiment en colère. Et d’ailleurs, je le suis encore. J’ai vraiment beaucoup pleuré. Mes boyaux se sont tordus dans tous les sens. Mon coeur s’est brisé en mille morceaux. Je voulais juste une fois, dormir tout contre elle, sentir son coeur battre juste contre ma joue, et qu’elle me caresse les cheveux jusqu’à ce que je m’endorme… C’est tout ce que je voulais… Et puis, elle a compris. Et quand elle m’a prise tout contre elle, je me suis souvenue qu’elle était toute pointue et pas du tout confortable. J’ai bien essayé de caler mon doudou sur ses os, mais j’arrivais pas à dormir… Et finalement, j’ai plus du tout eu envie de dormir… Maman m’a dit que j’étais épuisée et qu’il fallait que je dorme ! Il faut toujours faire quelque chose avec elle !
Alors, elle m’a reposée dans mon lit. Je vous laisse deviner la suite…