Les bouches de métro. Les wagons de trains. Les escalators. Les escaliers. Les gares. Partout : la foule. Expulsée comme du champagne un peu trop secoué. Vomie comme une soupe amère. Elle se reconstitue un peu plus loin. Elle se presse. Elle se rassemble. Elle force le passage. Sur l’escalator. Dans l’escalier. Dans les couloirs. Sur le quai. A l’entrée du train. Un chiffon dans une bouteille. Un chat dans un trou de souris.
La foule. Il n’y a plus qu’elle. Masse informe. Enorme. Lourde. Compacte. Elle frémit, bouillonne. Elle laisse s’échapper la chaleur moite des corps serrés les uns contre les autres.
Les odeurs se mélangent, les toux s’en mêlent. Les peaux inconnues se cognent et se collent les unes aux autres. Les haleines se croisent et se bousculent. La foule ne sait pas sourire. Elle ne sait plus. Elle suit, piétine, subit, ronchonne, souffle et s’exaspère.
L’air se transforme en vapeur d’eau imbuvable. Des flaques se forment, ici et là, à l’abri du tissu. De fines coulées de sueur dégoulinent le long des corps. Les fronts luisent sous les néons blafards des trains. Les cheveux se noient dans les nuques. Les barbes deviennent des couvertures chauffantes. Elles grattent. Elles chauffent. Elles s’enflamment en silence.
La foule n’a pas de choix. Elle est en transit. A quelques heures de la délivrance. A quelques kilomètres de la déliquescence. S’asseoir sur des sièges au tissu limé, avec l’espoir fou qu’un filet d’air pourrait venir de la fenêtre. Rester debout. Lorgner sur les sièges occupés, jalouser ceux qui ont 50 centimètres d’air devant eux. Fermer les yeux. Tenir. Entre deux rangées. Entre deux inconnus. Entre deux aisselles. Lever le nez. Chercher l’oxygène. Guetter une fraîcheur. L’espérer. En rêver sans y croire.
Et puis attendre. Attendre que le train reparte. Attendre que l’écran cesse d’afficher ces mots en orange « départ retardé ». Compter les gouttes qui glissent le long de la nuque. Craindre les auréoles aux endroits inappropriés. Attendre. Attendre encore.
Geekette says
La foule parisienne, vraiment, c’est bien celle-la qui ne me manque point.
Bien heureuse aujourd’hui d’être loin d’elle. 🙂