Dormir chaque nuit dans des draps propres. Pouvoir se lever la nuit pour se servir un verre d’eau potable. Laisser reposer sa tête sur un oreiller confortable. Laisser une musique douce nous réveiller chaque matin. Pouvoir prendre une douche et se parfumer le corps. Se brosser les dents et passer sa langue sur sur leur surface douce et lisse avant de sourire au miroir. Avoir le luxe de choisir entre différents vêtements que l’on a tous pris plaisir à acheter. Embellir son regard d’un coup de crayon, colorer ses lèvres d’un peu de rouge. Presser des oranges fraîches, remplir un bol de lait, et y verser une bonne quantité de céréales. Partir pour une nouvelle journée, armés d’un smartphone, une carte bancaire, et les clés de sa maison. Retrouver dans le tiroir de son bureau des fruits secs pour pallier l’éventuelle fringale de 11h. Rentrer, parfois fourbue d’être resté assis toute la journée. Préparer le repas du soir, en soupirant parfois devant le frigo ouvert. S’autoriser une petite entorse avec un morceau de chocolat ou de fromage. Se nettoyer le visage de la pollution et de la transpiration. Démêler ses cheveux. Et se recoucher dans des draps propres.
Pour une journée classique comme celle-ci, notre regard ne se sera pourtant pas arrêté au bout de notre nez. Chaque jour, on croise des familles à la rue, assises sur des couvertures de fortune. Des enfants jouent parfois avec rien, contre le mur. On croise des femmes qui se lavent les cheveux à la borne d’incendie. On croise des visages burinés et abîmés, avec dans les mains des cartons appelant à la générosité de chacun, ou aspirant à trouver un travail. A la sortie du supermarché, les bras chargés de fruits, de légumes, de café et de lessive, on laisse la pitié envahir nos yeux pour se porter sur une femme à genoux à la racine d’un arbre, le sourire édenté. La nuit parfois, il faut enjamber des anonymes, peut-être les mêmes croisés le jour, qui dorment à même le trottoir, sans tente ni couverture.
Depuis toujours, des hommes ont vécu dans la rue. Mais ces derniers temps, l’atmosphère change, les frontières se cristallisent. Nos vies se confrontent à celles d’autres qui fuient le pire, ces horreurs que l’on n’ose pas lire dans les journaux. Que l’on n’ose pas croire. Alors, nos priorités vacillent. Notre échelle de besoins s’effondre. Dans un mode de vie hédoniste, on se souvient de la chance que l’on a de manger à notre faim, et de dormir au chaud. On peut choisir de s’ouvrir au monde. D’apporter un peu d’aide à ceux qui n’ont rien, qui qu’ils soient. Offrir le dessert de la formule déjeuner de la boulangerie à quelqu’un qui a faim, vraiment faim. Se dire que l’ultime plaquette de chocolat achetée pour rejoindre le placard du sucre servira bien plus à cette famille qui est installée depuis des heures au coin de la rue. Offrir des baguettes de pain, des bouteilles d’eau. On peut faire ce que l’on peut à son niveau, ou plus si on le souhaite. On peut mêler nos vies aux leurs pour quelques secondes, ou plus.
A lire :
Paris Match – 19/06/2015 – Objectif Paris
Le Parisien – 06/03/2015 – Ils préfèrent aider les SDF que jouer à la console
marie kléber says
C’est très vrai. Offir un peu de ce qu’on a sans y penser, sans s’en souvenir forcément. Un toit et à manger, c’est le minimum pour tout homme sur la terre et tant d’êtes vivent sans ce minimum que ça en donne la nausée.
Il y a aussi de belles actions, de belles mains tendues qui redonnent espoir, juste un peu. .