Les années passent, et pourtant, rien ne s’efface. Ni son visage, ni son rire, ni les souvenirs. Au coin d’une rue ou sur le quai d’une gare, je vois parfois son visage. Quelques secondes pendant lesquelles je croise son regard, avant que le vent ne souffle, me ramenant à la raison.
Régulièrement, il me rend visite, comme un vieil ami. Il vient toquer en silence. Mes rêves lui ouvrent parfois la porte. Il entre sur la pointe des pieds, les lèvres pincées. Dans des paysages brumeux, dans des hangars sombres, dans des trains lumineux, il apparaît. Et il reste là, à l’abri du vent, insensible aux mouvements de foule. Il se déplace, le pas hésitant, comme embarrassé de sa présence. J’aperçois parfois des rides au coin de ses yeux, et quelques cheveux blancs sur ses tempes. Son regard est devenu gris, et il a le teint blanc de ceux qui ne voient plus la lumière du soleil. C’est un fantôme qui s’invite dans ma vie au gré des saisons. Un signe de la tête, un geste de la main, et le temps s’arrête.
Le sablier nocturne reprend ses droits, faisant passer des secondes pour des éternités. Comme ces quartiers que l’on invente de toutes pièces et que l’on retrouve régulièrement dans nos rendez-vous nocturnes : il se pose comme un repère, une constante.
Le réveil sonne comme un claquement de doigts, évacuant les dernières poussières d’une conscience éteinte.
bottines says
c’est très beau, bravo
marie kléber says
Splendide évocation de ces visages, de ces vies, de ces personnes chéries.
swinging-bird says
C’est un article magnifique, très sensible.
J’ai perdu ma maman quand j’avais vingt ans. C’était il y a cinq ans, mais ce texte me touche tant il fait écho à ce que je peux ressentir/vivre/rêver, depuis ce moment. Merci!