Il y a ces vies qui ne font que nous frôler. Il y a ces vies que seule la télévision nous renvoie. Il y a ces vies desquelles on se détourne dans la seconde, par réflexe. Le besoin de se protéger. L’instinct de conservation.
Il y a la culpabilité qui vient nous saisir, retenir notre sourire, suspendre un soupir. Il y a le désespoir qui vient s’emparer de la petite lumière qui subsistait au fond de nos yeux.
Il y a le doute qui vient tout manger. La journée qui vient de s’écouler se lit soudain en sens inverse. Les baisers déposés dans les fous rires de l’enfance prennent soudain un goût un peu trop sucré.
Le fossé est là : une route, la portière d’une voiture, la vitre d’un bus, la barrière de la langue, la frontière de nos vies. Que faire. Quoi faire. Tendre la main. Esquisser un sourire. Envoyer un regard. Déposer des bouteilles d’eau, quelques crayons de couleurs au fond d’un sac. Se dire que ce n’est rien, une goutte d’eau. Se dire qu’on ne peut se satisfaire de ça, de ce geste, de cette vie.
Et notre vie se reveille soudain. Le retour au quotidien, implacable, inévitable. Retrouver des problèmes qui n’en sont pas.
Rentrer chez soi, et serrer son enfant aussi fort que possible dans ses bras. Que faire. Quoi faire. L’empathie cherche à nous envahir, au risque de tout absorber, tout aspirer, jusqu’aux rires légers de l’enfance au petit matin.
Enfiler une cape d’invisibilité devient un choix. Aimer plus encore plus encore devient un mantra. Ne pas détourner les yeux devient un exercice. Apprendre à faire la part des choses devient un objectif. Douter encore. Chercher son chemin dans le sens moral.
Se couvrir d’une protection en toc. Se sentir coupable, toujours un peu.