Les sentiments sont parfois si complexes, si insaisissables qu’ils se mélangent, s’entremêlent, détruisant toute frontière entre eux. Existe-t-elle, d’ailleurs, cette frontière, qui est censée séparer la tristesse de la joie, la fierté de la honte, la reconnaissance de l’indifférence ?
Tandis que l’on s’embourbe dans une émotion, soudain, son opposée, tapie dans l’ombre, s’impose à soi. Ne vous est-il jamais arrivé, alors que vous vous sentez heureux, de sentir la tristesse s’immiscer en vous ? Un sentiment profond et intense qui s’infiltre dans vos veines comme un poison. Une ombre qui contamine un à un chacun de vos organes jusqu’à rendre votre vue du monde immensément sombre. Ne vous est-il jamais arrivé d’exprimer de la joie avec des larmes plutôt qu’un sourire ? Avez-vous déjà senti cette larme qui ne coule pas, mais tombe nette et lourde, sur une de vos joues ? Il est rare qu’elles soient plus de deux à être aussi dense, intense que cette première larme, restée longtemps sur le bord de la paupière, tirant sa force dans cette effusion de sentiments qui se bousculent.
Basculer. Renverser sa vision des choses, de la vie, d’un moment.
Penser à un moment de bonheur avec les yeux embués de larmes, parce que désormais son souvenir est triste.
Rire à en pleurer. Le rire qui vient après les larmes , parce pleurer nous a soulagé.
Se sentir en sécurité, dans sa solitude.
Se sentir perdu en soi, même en étant chez soi, dans son lit.
Détester une addiction qui nous poursuit.
Se complaire dans une souffrance psychologique.
Adorer une chose à laquelle on est allergique.
Regarder sans voir.
Lulufrommontmartre says
C’est très fort… Je suis en plein dedans ! En tout cas c’est joliment dit…
Blanche De Castille says
Très beau texte, Fleur de menthe! Je m’y retrouve entièrement, cette larme dont tu parles, c’est mon compagnon de mes intenses moments de joie, d’idée lumineuse. Je suis en permanence dans cette « valse d’émotions » qui ne savent plus comment bouger le curseur, qui oscillent entre joie suprême et désarroi mortel…
FleurDeMenthe says
@BlancheDeCastille : « joie suprême et désarroi mortel » je retiens !! C’est exactement ça !
Blanche De Castille says
🙂
l'insatiable charlotte says
Magnifique… C’est bouleversant de te lire car c’est exactement cela et en ce moment, ce n’est plus une valse, c’est un tourbillon…
Je voulais commencer mon carnet d’émotions mais en ce moment elles sont trop négatives, j’ai du mal à l’ouvrir sur une pensée négative…
Ton texte est vraiment magnifique, je vais l’imprimer et le garder près de moi!
Bravo et merci!
FleurDeMenthe says
@InsatiableCharlotte : ça me touche beaucoup… Beaucoup…
Et tu m’intrigues : qu’est ce que ce cahier d’émotions ?
l'insatiable charlotte says
L’autre jour, j’ai eu ce vertige: de me dire qu’en une journée, je pouvais passer par tellement d’émotions différentes, passer d’une légèreté incroyable avec la sensation que ma vie était entre mes mains et qu’il suffisait juste de vouloir à un état de tristesse absolue où tout me paraissait si diificile et complètement impossible.
Longtemps, cela m’a fait peur car c’est souvent une des caractéristiques de la déprime et finalement, c’est juste quelque chose qui me caractérise, qu’il faut admettre mais pour mieux me comprendre et tenter de dompter cela, je me disais qu’écrire toutes les émotions vécues dans une journée pouvaient permettre de prendre de la distance, d’analyser tout cela…
Donc j’ai acheté un nouveau petit carnet (mince alors!) pour commencer ce petit exercice mais depuis c’est tellement noir que j’ai du mal à l’écrire…Parce que l’écrire, c’est s’en rendre compte, c’est accepter et que parfois je me dis que j’ai tout pour être bien et que non, il y a définitivement quelque chose qui me ronge et je ne sais pas quoi et ce constat là est très difficile pour moi!
Voilà, petit quart d’heure confession!!
Marinouaustralie says
Les émotions larmoyantes bercent mon quotidien depuis toujours… Et en ce moment tout particulièrement ma sensibilité est à fleur de peau. Très beau texte!
Iwannadielikeproust says
Je vais finir par croire que toute la blogosphère est plongée dans ce « mal du siècle » comme l’appelle si joliement Chateaubriand. Je vis la même chose en ce moment, et en période de révisions et de réponses décisives, c’est très déconcertant…
Laeti says
Ton texte est superbe. tu arrives à poser des mots sur des réactions que l’on a parfois du mal à expliquer et à exprimer. Bravo car cela n’est pas donné à tout le monde!! De savoir parler, écrire, sur ces émotions si peu compréhensibles. Si complexes.
Delphine says
Quel joli texte, j’en ai des frissons de partout !
Je le trouve très triste, j’espère que de ton côté ça va quand même !!!