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Le jour où j’ai quitté mon médecin

11 octobre 2017 By Julie

La première fois que je l’ai vue, elle m’a impressionnée. Sa peau était dorée et ses cheveux noirs posés sur ses épaules avec de la laque Elnett. Un physique de danseuse, les jolies rides de la quarantaine épanouie, un sourire plus blanc que blanc, et l’accent typique de la parisienne de haute classe sociale. Elle avait le regard froid et la voix grave. J’ai immédiatement pensé qu’elle devait être née l’hiver, un jour de neige ou de glace.

Il y avait sur son bureau des stylos de toutes les couleurs, un mac blanc immaculé, et derrière son siège pivotant en cuir des dizaines de bouquins au nom barbare. Je me souviens avoir aperçu dans le coin d’une étagère une photo d’elle avec deux adolescentes. Ses filles probablement. Et je me suis demandé quelle mère elle pouvait bien être.

Petit utérus deviendra grand

Je n’avais pas encore 26 ans quand elle m’a demandé quand j’envisageais de faire un enfant. Elle m’a appris ce jour-là que le temps m’était compté et que selon le nombre d’enfants dans mon idéal familial, il serait judicieux de commencer maintenant. J’ai alors compris qu’elle ne prenait pas de pincettes. Après tout, être direct, c’est plutôt une qualité pour un médecin, non ?

Quand je suis tombée enceinte, j’ai rapidement pris du poids et j’ai choisi dès le troisième mois révolu d’afficher mon ventre dans toute sa splendeur avec des vêtements aussi moulants et confortables que possible. A ma visite du quatrième mois, elle lui a jeté un oeil interrogateur avant de me demander de monter sur la balance. J’avais pris 5 kilos. « Déjà !  » J’ai reçu une gifle dans les dents. Elle m’a demandé si j’avais bien compris la règle des 5 fruits et légumes par jour, m’expliquant que je ne devais considérer qu’un kilo de cerises équivalait à un fruit.
Mes kilos étaient ma fierté, elle les transformait en culpabilité.

Une pilule chaque matin tu avaleras

Quand je lui ai annoncé mon choix de ne pas reprendre la pilule et mon envie de poser un stérilet en cuivre, elle a levé les yeux au ciel. Elle voulait bien faire tout ce que je voulais, mais étais-je bien consciente de la douleur de la pose ? Etais-je prête à avoir des règles douloureuses et abondantes, susceptibles de durer des semaines, quand bien même cela ne m’était jamais arrivé dans mon adolescence ? Etais-je sûre de ne pas vouloir de nouvelle grossesse avant au moins 1 an ?
De mon côté, je me demandais comment je pouvais savoir quand l’envie d’un nouvel enfant viendrait sonner à notre porte ? Et que fait-on de la magie et du romantisme ? Je voulais limiter les hormones et retrouver ma libido. Je me suis confrontée à l’immense assurance du grand médecin reconnu qu’elle était. Le médecin profondément convaincu par les bienfaits de la pilule, et qui expose sa vérité comme absolue. Devant elle, je me sentais toute petite, et un peu minable. Arrêter la pilule était une absurdité dictée dans les médias, et j’étais assez idiote pour écouter. Il ne faut pas prendre tout ce que vous entendez pour vérité, Julie, me disait-elle. Mon prénom roulait dans sa voix avec une condescendance assumée.
Et j’ai continué la pilule, que je déteste tant. Quant à ma baisse de libido, je devais me forcer un peu car c’est bien connu : l’envie vient en allant… Et nul doute selon elle que je me bloquais inconsciemment, car je savais que l’envie de tomber enceinte était plus forte et que chaque rapport n’était plus susceptible de mener à une grossesse.

Des effets secondaires tu imagineras

Il y a peu, j’ai fait le lien entre des effets que je croyais dus au stress du changement et les effets secondaires d’un médicament que je prends tous les jours. A chaque symptôme, pourtant confirmé par le numéro vert, elle avait la réponse. Insomnie ? Prenez un bain. Sueurs nocturnes ? Ne vous couvrez pas. Fatigue ? Couchez vous plus tôt. Nerveuse ? Faites du yoga. Angoissée ? Allez voir un sophrologue, ou mieux, un psy.
Aucune possibilité que ce soit les effets secondaires du médicament. J’étais le type de patient typique qui écoutait trop les informations et pas assez sa tête, selon ses propres mots. Elle me conseillait d’ailleurs vivement de consulter un psy au plus vite, tous ces symptômes ne lui auguraient rien de bon, sinon une période bien sombre pour mes proches et moi.
 » – Et sinon, vous avez envie de pleurer ?  »
 » – Un deuxième enfant ?! Dans votre état psychologique ? On en reparlera plus tard… »

La porte je fermerai, pour toujours

J’ai pris mon ordonnance. Tout y était. Toujours les mêmes. La pilule, et tout le reste.
« – Ok, donc : pas de changement sur mon traitement ?
– Non, ce n’est pas ça qui vous aidera. Ce fera 100 euros. »

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Filed Under: Chronique

Comments

  1. Sophie Ogresse says

    11 octobre 2017 at 9:48

    Non ! Mais je suis choquée de lire ça. C’est difficile de trouver un médecin avec lequel on se sent bien. Surtout sur des sujets aussi intimes… J’en ai fuis beaucoup comme ça ! Tu as bien fait de claquer la porte !

    • Julie says

      11 octobre 2017 at 13:46

      Ouais et encore j’ai pas tout dit ! 8 ans de consultations… et des dizaines de fois où je suis resortie sonnée en me disant  » qu’est ce qui vient de se passer »

  2. Estelle says

    11 octobre 2017 at 11:54

    Bonjour,
    Je m’entends il y a un an ….même « style de médecin », même effets secondaires et même claquage de porte quand j’ai compris d’où venait tout ces effets secondaires. Depuis je me porte comme un charme.
    Bonne journée à toi
    Estelle

  3. Laurie says

    11 octobre 2017 at 11:55

    C’est abusé de ne pas être écoutée et comprise par son propre médecin! Ma pauvre ça n’a pas du être simple! Tu as bien fait de la quitter

    • Julie says

      11 octobre 2017 at 13:44

      Je me sens libre !!

  4. Odélie Sauvage says

    11 octobre 2017 at 12:23

    C’est allucinant ce qui t’es arrivé… Un médecin c’est censé être une personne qui t’écoute et répond à tes besoins. Moi c’est plutôt l’inverse, il est super « laxiste ». Il prend tout à la légère, comme si c’était tellement rare d’avoir quelque chose de grave. Je pense changer également. Bon courage dans ta recherche d’un bon médecin ! 🙂

    • Julie says

      11 octobre 2017 at 13:43

      Je pense qu’il faut avoir qqn de confiance avec qui on se sent bien… et oui… pas facile de trouver

  5. LMSS says

    11 octobre 2017 at 13:18

    Ma médecin était un peu pareille, mais j’ai enfin réussi à lui faire comprendre que ce n’es pas en me prenant de haut que j’arrêterais d’avoir mes convictions !

    • Julie says

      11 octobre 2017 at 13:42

      Quand c’est lui qui décide de l’ordonnance, il a toujours le dernier mot quoi qu’il arrive…

  6. Sabrina Debusquat says

    11 octobre 2017 at 13:21

    C’est malheureusement un témoignage courant… Quand j’ai réalisé mon sondage auprès de 3 616 femmes pour leur demander de me raconter leur expérience de la pilule (cf. http://jarretelapilule.fr/les-faits/sondage-les-femmes-et-la-pilule-resultats/), ce sont les violences médicales qui revenaient le plus souvent. Du simple manque d’écoute à l’infantilisation en passant par des gestes brutaux ou remarques déplacées. Quand la femme veut arrêter la pilule ou les hormones c’est encore pire, là ce sont carrément parfois des menances à peine voilées « on se revoit dans 6 mois pour une IVG » ou de l’idéologie pure et simple « nous nous sommes battus pour la pilule, vous êtes ingrate de la refuse », etc. (j’ai compilé les témoignages ici : http://jarretelapilule.fr/category/temoignages/).

    D’ailleurs, la façon dont les médias et médecins parlent en ce moment de « défiance » envers la pilule comme si c’était forcément une mode et que les femmes n’avaient pas de bonne raison de vouloir passer à autre chose est extrêmement paternaliste (cf. ma tribune coup de guele d’hier pour le Huff Post : http://www.huffingtonpost.fr/sabrina-debusquat/la-generation-no-pilule-revendique-une-contraception-sans-souffrance-non-polluante-et-egalitaire_a_23237133/).

    Mais on va arriver à faire entendre nos voix de femmes. Cela bougera forcément, même si ça prend du temps. Comme cela a toujours été le cas,. Il n’y a pas de raison que le combat pour une contraception sans souffrance ni pollution n’aboutisse pas 🙂

    Groses bises.

    Sabrina.

    • Julie says

      11 octobre 2017 at 13:40

      Merci de ton commentaire ici !! J’ai écouté ton intervention sur europe 1 avec Christophe Hondelatte, et j’ai adoré ! Je recommande tous tes articles aux lectrices 😉

  7. Claire says

    11 octobre 2017 at 14:16

    Ah oui quand même! Alors moi, je me plaint de certains médecins mais ils n’arrivent pas à la cheville de la tienne!
    Tu as bien eu raison de changer. En même temps, est ce que tu peux vraiment trouver pire?
    100 euros la consultation? C’est une blague non?
    En tout cas, j’espère que tu trouvera un médecin digne de ce nom et à l’écoute.

    • Julie says

      11 octobre 2017 at 14:28

      100 euros pour une gyneco endocrino à Paris, dans un bel immeuble dans un beau quartier… c’est le prix 🙁

  8. Marie Kléber says

    11 octobre 2017 at 15:12

    La semaine prochaine je vais voir une sage-femme. J’espère que je trouverais dans son cabinet un peu plus d’humanité que chez les gynécologues que je suis allée voir jusqu’à aujourd’hui.
    Ton témoignage Julie vient malheureusement confirmer la tendance actuelle. Cela m’écœure. Pour toi et pour toutes les femmes qui vivent cette expérience, qui au fil des ans, peut devenir traumatisante.
    Merci pour ton partage. Tu as pris la bonne décision.

  9. Etienne says

    11 octobre 2017 at 17:15

    Ce qui me choque le plus « ca fera 100€ », l’arnaque à l’état pur, bon courage 🙂

  10. Azylis says

    11 octobre 2017 at 17:16

    Mais quelle conne ! Pardon mais là c’est ce qui me vient.
    Tu as bien fait de partir.

  11. Violaine says

    11 octobre 2017 at 17:31

    Je ressens la même chose que toi. C’est d’ailleurs après une consultation gynéco que j’ai tout envoyé baladé et fait mon premier bébé. C’est compliqué de trouver quelqu’un qui soit à l’écoute, compréhensif, qui connaisse et reconnaisse sa patientèle… Quelqu’un d’humain. J’espère que tous les débats qui ont lieu en ce moment feront bouger les choses. Le fait de pouvoir aller voir des SF est déjà un pas en avant.

RéSEAUX SOCIAUX

Julie

Depuis 1986. Blogueuse depuis 2008. Milieu professionnel grisonnant. Croqueuse de mots. Amoureuse de la vie. Amoureuse tout court. Maman d'une petite fleur née en 2015.

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