Il est une histoire que seul l’accès au statut de copropriétaire permet de connaître. Il s’agit là d’une histoire sombre. N’y voyez pas l’atmosphère lourde propre aux romans noirs qui colle sur chacun des visages des protagonistes les traits d’un traître, d’un assassin, d’un agresseur, d’un ogre dévoreur de chair fraîche, ou d’un vorace suceur de sang.
Non, il ne s’agit pas de çà.
Loin des clichés des fictions, cette histoire nous offre un regard inédit sur la société qui nous entoure chaque jour, mais surtout chaque nuit. Quelle est donc cette malédiction qui touche les copropriétaires ? Comment le fait que les heures sombres sont chaque fois celles qui plantent le décor d’un face à face entre voisins de palier ?
Au petit matin, une bousculade en bas des escaliers pour sortir de l’immeuble et attraper sa voiture avant le voisin.
Au soir tombé, celui qui mettra davantage en avant sa sociabilité en dégainant le premier les clés de la barrière.
Et la nuit, où les disputes côtoient les cris d’amour des jeunes mariés. Ces heures creuses où les émissions nocturnes suivies par des noctambules en déambulateurs se frictionnent dans les airs avec les cris d’effroi du nouveau-né.
Tout cela arrive aux locataires, mais prend toute sa dimension lorsque l’on est copropriétaires. Etre aimable, serviable, ouvert, souriant, devient une habitude à prendre pour éviter que la vie quotidienne ne devienne un enfer. Au-delà des croisées des protagonistes au coeur des escaliers, offrant chacun l’un à l’autre son plus beau sourire de circonstance, il y a un endroit où les personnalités se révèlent dans une plus pure vérité.
L’ASSEMBLEE DES COPROPRIETAIRES
Personne ne veut y aller. Le dossier de cinquante pages retraçant les divers points à aborder et les dépenses en conséquence pour le bien-être et le développement de la copropriété donne des boutons à quiconque le reçoit dans sa boîte aux lettres. Encore faut-il qu’il y arrive, car bien souvent, il faut à chaque conquérant d’une parcelle de béton, se déplacer à la poste pour récupérer l’énorme enveloppe en recommandé.
Sur place, à l’heure où la nuit tombe, les visages fatigués habillés de lèvres serrées, et de cernes violacées se pressent pour trouver une place assise.
Et après de longs quarts d’heure pendant lesquels le parapheur passe de mains en mains, que les procurations se font connaître, et authentifier, le festival peut commencer.
Dans toute assemblée générale de copropriétaires, les stars de l’équipe, prêtes à marquer un point face au syndic de copropriété sont sur les dents, bien décidées à en découdre ..
– Le président du conseil syndical.
Fier, imposant, charismatique, il déclame un discours avec des gestes chef d’orchestre. Ses voisins l’écoutent, et sont prêts à l’applaudir au point final. Il alterne les accusations contre le syndic, ou contre certains copropriétaires, et les remerciements aux gardiens, et aux entreprises qui ont embellis les bordures de fleurs.
– Le copropriétaire absent, mais concerné par tout
Il n’a rien à dire, ne vit pas sur place, mais expose son point de vue de rentier comme s’il pesait davantage dans la balance que tous les autres copropriétaires réunis. Car pour lui, au-delà du confort, c’est bien la rentabilité de son investissement qu’il voit, et qu’il veut maîtriser.
– Le multi-propriétaire concerné par tout, et adoptant le ton de celui qui sait.Ou plutôt, qui croit savoir. Ou même qui veut croire qu’il est le plus lourd patrimonialement parlant. Chaque mention compte double, voire triple pour lui. Pour peu, on pourrait croire qu’il n’y a que lui qui a son mot à dire, et que seules ses réflexions sont importantes. Le cas personnel de ce personnage regarde donc tous et tout le monde. Pour plus de poids devant son public entièrement désintéressé de sa propre cause, le multi-propriétaire expose des articles de loi, et des textes parus au Journal Officiel. Il va même jusqu’à se poser en représentant auto-proclamé des copropriétaires silencieux, posant des questions dignes d’un entretien d’embauche au syndicat ou au conseil syndical.
– Les groupies de 70 ans.
Elles se connaissent depuis toujours, et qui sont toujours prêtes à souffler une blague, telles des collégiennes. Pas d’aigreur, juste la gaieté de la vie au parfum de violette, et parfois de naphtaline…
Au final, c’est quitte ou double. L’ennui mortel si vous préferez attendre que çà passe, ou une petite partie de rigolade si vous tendez l’oreille auprès des mamies dans les lieux depuis des dizaines d’années.
Et puis, parfois, cela peut être l’occasion de faire connaissance avec ses voisins. Il faut bien commencer un jour, et cela ne s’avère pas une mauvaise surprise, au contraire…
My Little Discoveries says
Je vais bientôt connaître ces joies-là…j’ai hâte!!! ;o)
Blanche De Castille says
hihi j’ai bien ri 🙂