Le chuchotement des esprits aigris monte le long de l’escalier et se faufile jusqu’à mon bureau. Que font des mots gris et des idées ruminantes dans l’air doux d’un matin d’été ? Nous sommes lundi matin, il est 9h. C’est l’heure du café auquel chacun ajoute sa cuillère de cynisme. Ce cynisme qui résiste à tout épreuve parce que rôdé depuis toutes ces années où il s’est installé dans leur quotidien. Doucement, sournoisement, mon espace se retrouve contaminé par des intelligences étroites gargarisées d’avoir en écho quelques semblables. Alors que j’aimerais faire la sourde oreille, je suis irrésistiblement attirée par ces considérations d’un autre temps. J’entends ainsi la rumeur qui ronfle, gonflée d’intonations piquées et de mots choisis pour leur intensité. L’exagération exacerbe les langues et les délient.
Peu à peu, il n’y a plus dans l’air que ce tapage chuchoté pourtant à demi-mot. Rien d’autre que cette cacophonie de consternation, un bourdonnement sourd presque hypnotique. Cet effet ping-pong d’idées toutes aussi étroites les unes que les autres me révèle cette nature des gens que je préfèrerais oublier : cette facilité de créer son propre malheur avec de noires pensées. Ce sont des âmes avalées, mâchouillées, déformées par l’envie, le pouvoir, la raillerie, et l’orgiueil. La crise, cette vilaine infâmie selon eux est la responsable de tous les maux. Parfois, leurs discours dévient sur des idées islamophobes, homophobes voire catastrophistes.
Me voilà à porter un jugement sur d’autres, à pointer leurs différences, à me positionner à un niveau supérieur. C’est ainsi que j’ai à mon tour du ressentiment pour d’autres. La haine de l’autre fait les clans et peut déclencher des conflits. Ne pas en parler, ne pas gonfler mon propre bruit en réaction épidermique au leur.
A force de fermer les yeux et boucher mes oreilles, je ne fais que m’aveugler devant ce que je considère comme la bêtise à l’état pur. Si je laisse exploser ma colère, je finirais peut-être par afficher, un jour, cet air goguenard qui leur est propre. Leurs gouailleries trouveront alors un écho dissonnant dans les miennes. Nos positions éloignées ne feront avancer en rien la pensée génrale. Un noeud de conflit se créera alors, et nous en resterons là de nos invectives.
Que faire alors ?
Je ne sais pas. A l’écoute de ces bruits d’autres, je préfère fermer ma porte, et me mettre à écrire…