Inconnus. Anonymes. Je vous observe. J’aime remarquer les bout élimé de vos manches alors que vous vous envolez vers votre bureau de cadre en haut de la tour Montparnasse. J’aime saisir le petit sourire qui illumine votre visage à la lecture d’un texto que vous venez de recevoir. J’aime remarquer l’amour et la fierté alors que vous accompagnez votre enfant à l’école, ou votre doux acharnement lorsque vous tentiez de lui raconter une histoire dans le wagon de métro bruyant.
Cet été, le temps plus lent, le soleil qui se couche tard, les corps qui se dénudent, les airs de musique qui s’envolent, les fenêtres ouvertes, les courants d’airs bienvenus, les glaces qui fondent, les paroles qui s’égarent, j’ai craqué. J’ai fait plus qu’observer, j’ai noté ces petits fils de vie qui s’échappaient jusqu’à mes oreilles. Indiscrétion peut-être. Curiosité inévitable. Amoureuse de la vie, toujours.
Sur l’autoroute
Ce papa à la barre de péage d’à côté. Dans un kangoo, ses deux enfants à l’arrière, le cheveu blond qui tombe comme une vague sur ses lunettes de soleil. Un air d’Olivier Adam sur le visage. La plaque d’immatriculation aux couleurs de la Bretagne.
Cette famille belge, et leur break sans âge. Les parents dehors, sandwichs dans les mains. Les enfants, ados, enfermés dedans, tout sourires, la climatisation poussée à son maximum. Les uns se moquent des autres, apportant sur ce premier jour des vacances une légèreté infinie.
Cette voiture devant nous, avec un ballon de baudruche qui n’en finit pas de rebondir à l’intérieur.
Ces deux enfants, les mains serrées devant eux, et le regard sérieux, venus se poser à l’ombre sous un arbre, suivi de leur grand frère.
Une femme lance » – Oh, le pauvre ! voyant son bras plâtré.
Le plus petit des enfants lui répond – Non, c’est pas le pauvre, c’est notre frère !
– Je n’en doute pas, mais quand même il doit avoir chaud par cette chaleur ! «
Le petit garçon n’a pas l’air de s’en soucier. Le sourire sur le visage, magnifique, fier, et infini. Alors qu’il aperçoit ma fille, ses yeux s’illuminent. Je viens de la rafraîchir avec l’aérosol. Elle s’égosille dans l’herbe. Il s’avance, et dans son élan, vient lui claquer un baiser sur la joue. Sa mère le rattrape en une demi-seconde, une légère gêne sur le visage.
Sur la plage
Une enfant désespérée de colère et de solitude. L’eau est à 3 mètres devant elle, mais elle est tétanisée, ses jambes sont figées. Elle a 3 ans, peut-être 4. Son père ne comprend pas, tente sans succès de maîtriser sa colère, mais se perd vite dans son incompréhension. Il s’énerve, lance ses bras en l’air, grogne. Et la petite continue de pleurer. Des pleurs, des cris. Des cris, des pleurs.
Une surfeuse. La peau hâlée. Les cheveux bruns laissés au vent. Elle cherche la baïne, et lance soudain qu’elle l’a trouvée. A ses côtés, son père lui demande si elle est sûre.
» – Oui Papa, je suis sûre !
– Oui, mais y a beaucoup de vent quand même là !
– Mais oui Papa, je suis sûre ! Et puis, la compétition c’est demain, alors il est tant de t’inquiéter ! «
Il titille, sa bouche tique, ses mains se tordent. Il soupire soudain, abandonnant sa peur aux ambitions de sa fille. Elle file vers l’Océan, droite et déterminée. Alors qu’elle met sa planche à l’eau, je remarque cet avant-bras qui lui manque.
Une famille qui quitte la plage en file indienne, avec au bout, cette petite fille les mains en l’air, mouillées et propres. Attention au sable, surtout pas de sable sur les mains. Ses pas suivent les larges empreintes laissées par son père. Elle saute d’une jambe sur l’autre. Bientôt, elle est essoufflée, et prend du retard.
« – Hé, mais attendez !! «
Pas si évident de raconter ces petites histoires !
Corinne (Couleur Café) says
Des petites histoires de tous les jours. Des gestes, des mots, des scènes qui semblent en dire long sur les personnes et leur vie, mais pas tant que çà finalement.
Marie Kléber says
Mais tu le fais très bien. Ce sont ces instants de vie que j’aime regarder, raconter, lire. Je crois que c’est tout ce qui importe, tout ce que le présent comporte d’authenticité. C’est la vie, imprécise, indécise, porteuse de joie et d’espérance.
Merci!