« Vis comme si tu devais mourir demain… Apprends comme si tu devais vivre toujours. » Gandhi
A chaque sirène qui retentit dans la ville, des regards se voilent, des questions s’invitent. Et puis, tout se perd. L’urgence est passée, loin de nous, chez d’autres. D’autres mais pas nous.
A chaque ambulance qui avance tout gyrophare hurlant sur l’autoroute bouchée, écartant les voitures comme Moïse devant la mer rouge, des respirations s’accélèrent, d’autres se coupent. L’espace d’une seconde, les points d’interrogations se succèdent. D’autres conducteurs, d’autres passagers. D’autres.
A chaque fait divers qui s’invite dans le journal, on lit en secouant la tête. On ose des mots forts, des mots violents. Mais, derrière l’abri de l’anonymat, on souffle. Le cœur reste intact. D’autres que nous, encore.
Un jour pourtant, l’univers bascule. Cela nous arrive à tous. On ne peut pas y échapper. On ignore quand. On ignore où. On ignore qui. On ignore comment.
Un jour, le téléphone sonnera peut-être, avec à l’autre bout du fil, des mots que l’on pensait destinés aux autres. Un jour peut-être, quelqu’un se postera devant vous, le teint gris. Des mots simples sortiront de sa bouche. L’esprit activera son bouclier de protection dès les premières secondes, et vous entendrez des phrases dénuées de sens.
Un jour, le café vous échappera peut-être des mains, et le carrelage viendra brusquement se poser contre votre joue.
Un amoureux. Un parent. Un enfant. Un ami. Soi.
Un jour.
Combien de fois dans une vie ? Combien de séismes ? Combien de blessures ?
Un coup de plus au cœur, une fissure de plus dans l’âme. Peur-être la seule jusqu’ici. Peut-être l’unique. Peut-être la première.
Soudain, on n’est plus qu’une respiration. Une glace brisée. Le monde qui vacille. Nous ne sommes pas invincibles.
Fragile et précieuse vie froissée, détruite peut-être. Des visages qui ne seront plus jamais les mêmes. Les sourires qui dégringolent. Les souvenirs qui s’accrochent. Les espoirs qui gonflent. Les regrets qui s’immiscent. Les jours qui prennent leur temps. Les nuits d’insomnie. Du blanc partout. Les mots qui manquent. Les odeurs d’antiseptique.
Et les autres. Le visage paisible, le sourire heureux. Cette envie soudaine et violente de leur arracher cette part de joie avant de la piétiner. Les autres…
marie kléber says
Tu décris superbement cet arrêt sur image, ce silence qui suit l’annonce d’un adieu sans aurevoir.